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Strasbourg inquiète pour son statut de « capitale européenne »


Pour la cinquième fois cette année, la plénière strasbourgeoise, prévue du 14 au 17 septembre, est annulée et les eurodéputés, qui n'ont plus mis les pieds dans l'hémicycle alsacien depuis février, vont siéger à Bruxelles. (Photo : AFP)

« Le coup est dur » : à Strasbourg, l’annulation de la session de septembre du Parlement européen qui devait se tenir après six mois d’absence ravive les inquiétudes autour du statut de « capitale européenne » de la métropole alsacienne.

L’annonce est tombée mardi. Dans un communiqué, le président du Parlement (PE), David Sassoli, confirmait la rumeur qui courait depuis plusieurs jours, à Strasbourg comme à Bruxelles : pour la cinquième fois cette année, la plénière strasbourgeoise, prévue du 14 au 17 septembre, est annulée et les eurodéputés, qui n’ont plus mis les pieds dans l’hémicycle alsacien depuis février, vont siéger à Bruxelles. Raison invoquée : la recrudescence de l’épidémie de coronavirus et le classement du Bas-Rhin, et donc de Strasbourg, en « zone rouge » Covid.

Cette session devait être la première dans la capitale alsacienne depuis le début de la pandémie en Europe et les mesures de confinement appliquées à partir de mars dans l’UE. Dans la capitale alsacienne, la nouvelle a suscité l’ire de nombreux élus et acteurs économiques. Elle a également relancé la querelle entre pro- et anti-Strasbourg autour du siège du PE, que les traités ont placé à Strasbourg, lieu des plénières (douze par an, longues de trois jours et demi), tandis que les eurodéputés passent le plus clair de leur temps à Bruxelles.

« Décomplexée »

« On peut comprendre les raisons sanitaires mais elles sont bien pratiques pour un certain nombre d’adversaires de Strasbourg », pointe auprès de l’AFP le député européen centriste Christophe Grudler, qui s’inquiète d’une « campagne anti-Strasbourg de plus en plus décomplexée ». « On ne peut pas exclure que la crise sanitaire soit instrumentalisée par les parlementaires hostiles à Strasbourg », avait déjà indiqué mardi la maire EELV de Strasbourg, Jeanne Barseghian.

« La bataille (du siège strasbourgeois du PE) a toujours été un combat féroce et c’est un combat qui ne repose pas sur la bonne foi », analyse de son côté le LREM Alain Fontanel, conseiller municipal strasbourgeois d’opposition. « Chaque difficulté est utilisée » par les anti-Strasbourg, note encore Fontanel, candidat malheureux aux dernières municipales face à Mme Barseghian.

Mardi, de nombreux eurodéputés n’ont en effet pas manqué de saluer l’annulation, à l’image du Néerlandais Bas Eickhout, vice-président du groupe des Verts et favorable à des sessions uniquement bruxelloises : « C’était seulement une décision logique à prendre », a-t-il écrit sur Twitter, assurant qu' »une large majorité des eurodéputés veulent un siège unique ».

« Pourquoi transférer (la session) à Bruxelles où les conditions sanitaires sont encore pires » qu’à Strasbourg, s’interroge toutefois Grudler. « Tout était prêt pour accueillir les députés, les fonctionnaires et les assistants », insiste aussi l’eurodéputée centriste et ancienne maire de Strasbourg, Fabienne Keller.

Plus largement, beaucoup redoutent que cette nouvelle annulation n’écorne le statut européen de Strasbourg, siège du PE mais aussi d’institutions telles que le Conseil de l’Europe ou la Cour européenne des droits de l’Homme.

« Il y a un risque à terme », s’inquiète Grudler. « Il y a une menace », renchérit Fontanel, même « si on est protégés par les traités », qui prévoient que tout changement de statut ne pourrait être décidé qu’à l’unanimité par les Etats membres de l’UE.

« Traités bafoués »

« Il faut être inquiet, c’est le meilleur moteur pour continuer à se mobiliser et se battre », poursuit-il, envisageant de réclamer « des compensations » comme des sessions supplémentaires ou rallongées… « Les traités internationaux sont bafoués et surtout, la position de la France est bafouée », s’énerve Pierre Siegel, président de la délégation hôtelière du syndicat patronal Umih Bas-Rhin.

Avec une année 2020 économiquement saccagée par le Covid, les sessions du PE annulées vont évidemment plomber davantage encore les recettes des hôteliers et restaurateurs strasbourgeois, explique-t-il, fataliste.

Mais le point crucial à ses yeux, c’est « le rôle de Strasbourg comme ‘capitale européenne' » car son impact sur l’économie locale est beaucoup plus important » que celui des sessions : ce statut, « il faut absolument le maintenir », martèle Siegel.

AFP