Trois manifestants ont été tués lundi dans la répression des défilés hostiles au pouvoir militaire qui a renforcé son emprise sur le pays avec le putsch du 25 octobre, ont annoncé des médecins.
Depuis le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane, au moins 67 manifestants ont été tués et la police a indiqué qu’un de ses généraux avait été poignardé à mort.
Les partisans d’un pouvoir civil dans un pays sorti en 2019 de trois décennies de dictature militaro-islamiste se sont de nouveau mobilisés lundi, bravant les forces de sécurité déployées en masse dans la capitale et qui, pour la première fois, ont sorti leurs armes lourdes.
Au-dessus de leurs véhicules, des armes lourdes et des mitrailleuses à gros calibres étaient visibles, a constaté un journaliste de l’AFP, alors que la répression a déjà fait 67 morts dans les rangs des manifestants depuis le coup d’État militaire du 25 octobre.
Au milieu des grenades lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des tirs des canons à eau, plusieurs manifestants blessés se sont écroulés, certains asphyxiés par le gaz lacrymogène et d’autres saignant après avoir été touchés de plein fouet par les grenades.
« Les militaires à la caserne »
Les violences à Khartoum se concentrent aux abords du palais présidentiel, l’ancien QG du dictateur Omar el-Béchir démis en 2019 sous la pression d’un soulèvement populaire, où siègent aujourd’hui les autorités de transition désormais aux mains du général Abdel Fattah al-Burhane, l’auteur du putsch.
Les forces de l’ordre tentent d’empêcher les manifestants de s’en approcher, les poursuivant parfois dans les rues environnantes à coups de grenades lacrymogènes et assourdissantes.
Si les forces de sécurité quadrillent Khartoum et ses banlieues, en revanche et pour la première fois, elles ne bloquent pas l’ensemble des ponts reliant la capitale soudanaise à ses banlieues sur l’autre rive du Nil.
Dans l’une d’elle, Omdourman, des manifestants brûlaient des pneus et dressaient des barricades pour couper des routes, a rapporté un témoin, Sawssane Salah.
Dans une autre, Khartoum-Nord, des milliers de manifestants criaient : « Les militaires à la caserne » et « Pas de retour en arrière possible » dans un pays resté sous la férule de l’armée quasiment en continu depuis son indépendance il y a 65 ans.
Depuis que le général Burhane, chef de l’armée, a rebattu les cartes avec son coup de force, le pays ne cesse de s’enfoncer dans la violence.
Des tirs à balles réelles
Un général de police a été poignardé à mort lors de récentes manifestations, tandis que les forces de sécurité tirent, parfois à balles réelles, sur les manifestants et vont jusqu’à attaquer des blessés et des médecins dans les hôpitaux, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Et la mobilisation ne se cantonne pas à la capitale dans ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus grands d’Afrique.
À Madani, par exemple, à 200 kilomètres au sud de Khartoum, « environ 2 000 manifestants défilent aux cris de ‘on ne veut que des civils au pouvoir' », a rapporté un témoin, Imed Mohammed.
Car le 25 octobre, le général Burhane a fait arrêter la plupart des civils qui partageaient le pouvoir avec lui et son armée. Ils ont été libérés depuis, mais le pays est toujours sans Parlement depuis la chute en 2019 du dictateur Omar el-Béchir et sans gouvernement depuis le putsch. Le général Burhane, qui s’est entouré de généraux et de civils sans passé militant, est donc de facto seul aux commandes du pays, l’un des plus pauvres du monde.
L’ONU, de son côté, tente d’organiser un dialogue pour relancer une transition vers la démocratie brutalement interrompue le 25 octobre.
Sa mission à Khartoum multiplie les rencontres entre tous les acteurs du pouvoir, de la société civile, et même les associations de femmes ou de jeunes, sans toutefois parvenir à obtenir un accord pour des négociations directes ou indirectes entre tous dans l’immédiat.
L’envoyé spécial des États-Unis pour la corne de l’Afrique David Satterfield et la secrétaire d’Etat adjointe Molly Phee entament, eux, lundi une tournée en Arabie saoudite et au Soudan pour tenter de relancer le dialogue dans un pays où la rue ne cesse de scander : « pas de négociation, pas de partenariat » avec l’armée.