Une frappe de drones contre deux importantes installations pétrolières saoudiennes a sérieusement perturbé la production du royaume, et provoqué un regain de tension entre Washington et Téhéran, que Mike Pompeo a accusé d’être derrière une « attaque sans précédent contre l’approvisionnement mondial ».
Voici ce que l’on sait des attaques ayant visé deux sites du géant pétrolier saoudien Aramco. L’infrastructure énergétique saoudienne a déjà été touchée à de nombreuses reprises par les rebelles Houthis du Yémen, mais cette attaque est d’une autre ampleur : elle a ciblé la plus grande usine de traitement d’Aramco, située à Abqaiq, et l’un des principaux champs pétroliers de l’entreprise publique à Khurais. Elle a obligé la société à suspendre temporairement environ la moitié de sa production. Toutefois, l’ampleur des dégâts et les armes utilisées restent incertaines. Les journalistes n’ont pas été autorisés à s’approcher des installations.
« Cela va attirer l’attention sur la guerre au Yémen », où l’Arabie saoudite intervient depuis 2015 à la tête d’une coalition armée, estime James Dorsey, expert à la S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour. « Ce conflit cesse progressivement d’être une guerre dans un coin perdu du Golfe », ajoute-t-il. Les rebelles Houthis affirment avoir tiré un essaim de drones, dans ce qui serait leur attaque la plus ambitieuse.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a accusé Téhéran. Mais il n’a pas expliqué comment l’Iran était impliqué, ni d’où provenaient les armes. Dimanche, l’Iran a qualifié ces accusations d’ « insensées ». Des responsables américains et saoudiens enquêtent, selon le Wall Street Journal, sur la possibilité que l’attaque ait été menée avec des missiles de croisière lancés depuis l’Irak ou l’Iran. Bagdad a réfuté dimanche tout lien.
Représailles peu probables à ce stade
Ces attaques, qui ont dans leur sillage réduit de 6% l’approvisionnement mondial en pétrole, pourraient faire grimper les prix de l’or noir lorsque les marchés rouvriront lundi. Mais leur impact dépendra de la rapidité avec laquelle les Saoudiens reprendront leur production. Le groupe Aramco a déclaré qu’il puiserait dans ses stocks pour compenser partiellement la baisse. L’incident pourrait ébranler la confiance des investisseurs envers le géant pétrolier, qui se prépare à une introduction partielle en Bourse. Ryad espère que cette opération colossale va lever jusqu’à 100 milliards de dollars, ce qui en ferait la plus importante opération du genre.
Si la responsabilité directe de l’Iran était établie, un nouveau casse-tête de sécurité nationale s’annoncerait pour Donald Trump, et l’inflexion naissante de la position américaine face à Téhéran serait mise à mal. En juin, le président américain avait annulé une frappe contre l’Iran. Trump cherche par ailleurs à organiser un sommet avec son homologue iranien lors de la prochaine assemblée générale de l’ONU, qui s’ouvre la semaine prochaine à New York.
Les frappes vont continuer d’exacerber la rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran, grands ennemis régionaux. Le puissant prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a déclaré que le royaume était « capable » de répondre à cette « agression terroriste », sans autres détails. James Dorsey estime toutefois peu probables des représailles directes, car « les Saoudiens ne veulent pas d’un conflit ouvert avec l’Iran ». Si l’implication des Houthis dans l’attaque était avérée, les pourparlers que Washington a confirmé avoir démarré ce mois avec les Houthis pourraient en revanche être reportés.
L’Arabie saoudite a investi des milliards de dollars dans du matériel militaire lourd, mais son arsenal s’est révélé inefficace contre les Houthis, une milice tribale désordonnée mais très motivée et spécialisée dans les tactiques de guérilla. Les développements récents ont aussi mis en lumière la menace forte que représentait l’amélioration continue de l’armement des Houthis, des missiles balistiques aux drones sans pilote.
LQ/AFP