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Si la raison l’emporte

Donald Trump et Hillary Clinton ont bouclé lundi leur campagne pour l’élection du 45e président américain qui sera désigné dans la nuit de mardi à mercredi au suffrage indirect par les électeurs. Les derniers sondages donnaient l’avantage à la candidate démocrate et l’on est tenté de penser que la raison va l’emporter. Mais le triomphe d’Hillary Clinton, s’il se concrétise, devra davantage aux inquiétudes suscitées par son adversaire républicain qu’à sa propre personne. Car la candidate démocrate symbolise aux yeux d’un nombre croissant d’Américains une élite politique traditionnelle devenue indifférente à leurs problèmes. Élite qui serait davantage acquise à Wall Street qu’au monde des travailleurs.

Trump a largement usé de ce cliché à l’encontre de sa rivale et en a tiré une grande part du succès qui lui a permis d’accéder au dernier round de la compétition électorale. Il ne suffira pas à Hillary Clinton de remporter le scrutin pour éliminer à long terme le malaise apparu au cours de cette campagne. Les propos distillés avec outrance par Trump répondent à un rejet profond et consacrent l’ancrage d’un discours d’extrême droite dans le champ politique américain.

Le méconnaître en l’attribuant à la seule personnalité de Trump reviendrait également à ignorer les raisons du succès inattendu rencontré au cours de la primaire démocrate par Bernie Sanders. Dénigré dans son propre camp, le sénateur du Vermont a séduit une large part de l’électorat démocrate en présentant un contrat social-démocrate à même d’améliorer le sort des plus pauvres, de restaurer la dignité des salariés et d’offrir des perspectives d’avenir à une jeunesse qui l’a largement adoubé.

Au cours des huit dernières années et des deux mandats d’Obama, les démocrates ont perdu des milliers de sièges d’élus dans les États et au niveau local. Cette érosion de la base électorale démocrate ne s’arrêtera pas si Hillary Clinton ne se montre pas à même de proposer une alternative à une vision néolibérale qui, à l’image de ce qui se passe en Europe, a ouvert un boulevard à la démagogie d’extrême droite.

Fabien Grasser