La Serbie et le Kosovo sont parvenus jeudi à un accord sous l’égide de Bruxelles pour désamorcer les tensions à leur frontière, où les unités spéciales de la police kosovare avaient été déployées tandis que Belgrade relevait le niveau d’alerte de son armée.
Le Kosovo et la Serbie, qui n’a jamais reconnu l’indépendance de son ancienne province à majorité albanaise, entretiennent des relations tumultueuses qui sont un obstacle majeur à leur éventuelle intégration européenne. Le nouvel accès de fièvre a été provoqué le 20 septembre par la décision du Kosovo d’interdire les plaques d’immatriculation serbes sur son territoire avec obligation de les remplacer par des plaques kosovares provisoires.
« Après deux jours de négociations intenses » à Bruxelles, « un accord sur une désescalade et le moyen d’avancer vient d’être conclu », a déclaré sur Twitter Miroslav Lajcak, représentant de l’Union européenne pour le dialogue entre les deux parties. Pour faire appliquer la mesure sur les plaques, Pristina avait dépêché des unités de la police kosovare dans le nord, une région peuplée en majorité de Serbes qui refusent de reconnaître l’autorité de Pristina.
Furieux, des centaines d’entre eux ont bloqué en représailles les routes conduisant aux deux postes-frontières de la zone, Jarinje et Brnjak. En réaction, la Serbie a relevé le niveau d’alerte de son armée, déployé des chars près de la frontière tandis que ses avions de chasse ont effectué des survols à proximité pour la première fois depuis la guerre entre indépendantistes kosovars et forces serbes (1998/99).
Déploiement de la KFOR
Pristina faisait valoir que les véhicules immatriculés « République du Kosovo » – non reconnue par Belgrade – étaient contraints depuis des années à prendre des plaques serbes provisoires pour entrer en Serbie. Selon l’accord conclu à Bruxelles qui dirige depuis une décennie un dialogue censé normaliser les relations entre les deux anciens ennemis, le Kosovo a accepté de retirer samedi de la région ses forces de police spéciales.
Simultanément, les barricades érigées par les Serbes seront démantelées. La KFOR, la force de l’OTAN chargée de la sécurité du Kosovo, sera déployée dans la zone frontalière pendant deux semaines pour assurer « un environnement sûr et la liberté de mouvement ».
Les deux parties sont également convenues d’une solution provisoire sur le problème des plaques. À savoir l’entrée en vigueur d’un accord précédent jamais appliqué qui prévoit que les conducteurs des deux côtés recouvrent les symboles de souveraineté sur leurs plaques à l’aide d’autocollants. Des négociations ultérieures doivent aboutir à un accord définitif.
Le chef de l’État serbe, Aleksandar Vucic, qui accueillait en Serbie la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, a parlé d’une « grande victoire ». « Nous avons assuré la liberté de circulation des biens et des personnes, maintenu la paix et la stabilité ». Le Premier ministre kosovar, Albin Kurti, a également jugé que l’accord était bénéfique. « La réciprocité des plaques d’immatriculation est établie ».
« Beaucoup à régler »
Ursula Von der Leyen a salué un « développement positif » qui est « bon pour toute la région ». « La dialogue doit maintenant continuer ». Gabriel Escobar, émissaire américain pour les Balkans occidentaux, a aussi applaudi, mais relevé qu’il « restait toujours un bon nombre de choses » à régler entre les deux parties.
La dernière crise entre le Kosovo et la Serbie touche à la question sensible des 120 000 membres de la minorité serbe du Kosovo. Beaucoup refusent de prêter allégeance à Pristina et sont fidèles à la Serbie, leur « mère patrie », et au président Vucic. Ces liens sont particulièrement forts chez les 40 000 Serbes du nord, du fait de leur proximité géographique avec la Serbie qui les finance abondamment.
Certains employés d’institutions financées par Belgrade avaient d’ailleurs témoigné faire à leur demande des « vacations » sur les barricades de camions bloquant les routes conduisant aux postes-frontières.
La situation sur place était calme ce jeudi, a signalé une correspondante de l’AFP. « C’est bien que les (forces de police kosovares) se retirent, quand ils le feront, on va se retirer aussi », dit Ivan, 33 ans. « J’espère qu’il n’y aura pas d’incident quand on commencera à partir, car je n’ai pas confiance dans la police du Kosovo », déclare en revanche Dragan, 51 ans.
Le Kosovo, qui a proclamé son indépendance en 2008, est reconnu par une centaine de pays, mais pas par la Serbie appuyée par ses alliés russe et chinois.
AFP/LQ