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Séquestration et abus de pouvoir : Matteo Salvini renvoyé en justice


Si Matteo Salvini devait être condamné à une peine supérieure à deux ans, il pourrait difficilement éviter l'incarcération. (photo AFP)

Le Sénat italien a renvoyé mercredi en justice le chef de l’extrême droite Matteo Salvini pour séquestration de personnes et abus de pouvoir. Que va-t-il lui arriver maintenant et quelles pourraient être les conséquences politiques ?

Le Sénat a certes décidé de lever son immunité permettant son renvoi en justice, mais le processus sera très lent d’ici à une éventuelle comparution devant un tribunal. Matteo Salvini, qui s’est dit jeudi convaincu qu’il ne sera jamais condamné, a été mis en accusation par un tribunal des ministres de Catane, juridiction spéciale de cette ville sicilienne où il aurait commis le délit qui lui est reproché en empêchant pendant des jours plus de 110 migrants de descendre d’un navire italien.

Le parquet de Catane avait demandé de classer sans suites les accusations contre Salvini, mais le tribunal des ministres, qui a le dernier mot, n’avait pas suivi. Son dossier va être confié à un juge des enquêtes préliminaires de Catane. Celui-ci examinera les documents du parquet et de la défense et décidera soit d’un non lieu, soit de l’ouverture d’un procès. Dans ce cas, Salvini sera jugé par un tribunal ordinaire de Catane en première et deuxième instance, avant un éventuel recours en dernière instance devant la Cassation.

La loi Severino, adoptée en 2012 avec l’objectif d’assainir la vie politique italienne est claire : en cas de condamnation définitive d’un membre du parlement ou du gouvernement à une peine de prison de deux ans ou plus, la personne condamnée devient automatiquement inéligible pour une période pouvant aller jusqu’à huit ans et est évincée du parlement. Cette même loi est moins claire sur ce qui se produit après une condamnation en première instance : théoriquement, le Sénat pourrait suspendre pour 18 mois le sénateur Salvini mais ce cas de figure ne s’est pas encore produit en Italie.

Vu l’importante surpopulation carcérale en Italie, les personnes condamnées définitivement à une peine de prison ne dépassant pas les deux ans ne sont généralement pas incarcérées : elles négocient avec la justice une assignation à résidence ou des travaux d’utilité publique. Si Matteo Salvini devait être condamné à une peine supérieure à deux ans, il pourrait toutefois difficilement éviter l’incarcération.

D’autres poursuites à venir

Quand pourrait-il être condamné définitivement ? Difficile de donner une réponse précise étant donné la lenteur de la justice italienne : selon les médias, la durée moyenne d’une procédure au pénal est de quatre ans et quatre mois, avec d’importantes différences en fonction des tribunaux, ceux de Rome, Naples et Reggio Calabria ayant une moyenne supérieure à six ans. « L’intention d’utiliser d’un point de vue politique les accusations en se présentant comme une victime de la ‘justice politique’ est déjà évidente », estime Massimo Franco, éditorialiste du principal tirage italien Corriere della Sera. Selon la Stampa, Salvini a déjà adopté « la stratégie du martyr ». Il faudra un peu de temps pour évaluer la réussite, ou l’échec, de cette tactique qui pourrait être payante dans l’immédiat mais risque de fatiguer à long terme, comme ce fut le cas pour l’ex-Premier ministre Silvio Berlusconi

. « Le baromètre de son avenir judiciaire est au mauvais temps. Bientôt il y aura le cas Open Arms, et dans pas longtemps il y aura des nouvelles aussi sur la plainte de (l’allemande) Carola Rackete », écrit jeudi le quotidien Corriere della Sera. Le 27 février, une Commission du Sénat devra statuer, sur une autre demande de renvoi en justice concernant le navire humanitaire Open Arms bloqué mi-août 2019 pendant plusieurs jours devant l’île de Lampedusa, sur ordre de Salvini. En outre la jeune Allemande Carola Rackete, capitaine du navire humanitaire Sea-Watch 3, a déposé plainte pour diffamation contre Salvini qui l’a traité de tous les noms après son accostage à Lampedusa.

Deux autres enquêtes visant son parti, la Ligue, et ses proches sont en cours. La première cherche à établir que sont devenus les 49 millions d’euros que le parti doit restituer à l’État à la suite d’une fraude, tandis que la seconde creuse des informations sur une éventuelle participation de la Russie au financement de la Ligue.

LQ/AFP