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Sénégal : l’opposition se mobilise contre le report sine die de la présidentielle


La décision de Macky Sall commence à provoquer des remous. (photo AFP)

L’opposition au Sénégal a appelé à manifester dimanche à Dakar et prévoit de lancer la campagne électorale comme prévu, rejetant la décision du président Macky Sall de reporter la présidentielle du 25 février, une décision sans précédent qui a suscité un tollé.

L’annonce faite samedi dans un contexte de crise politique par le président élu en 2012 et réélu en 2019 a provoqué l’inquiétude à l’étranger.

Elle plonge à nouveau dans l’inconnu ce pays réputé comme un îlot de stabilité en Afrique, mais qui a connu depuis 2021 différents épisodes de troubles meurtriers.

Des gendarmes étaient déployés dimanche après-midi à Dakar sur le lieu de départ prévu, un grand boulevard situé dans le sud-ouest de Dakar, de la marche annoncée par l’opposition, ont constaté des photographes de l’AFP.

Des forces de l’ordre avaient notamment pris position autour des voies et installations d’un réseau de bus électriques devant prochainement être en circulation, ont-ils rapporté.

Plusieurs candidats de l’opposition ont annoncé à la presse leur décision d’ignorer la décision du président Sall et maintenir le lancement dimanche de leur campagne électorale.

« Nous rejetons systématiquement le décret (reportant la présidentielle). Nous donnons rendez-vous ce dimanche à tous les Sénégalais pour une marche » à Dakar, a déclaré Cheikh Tidiane Youm, un porte-parole de l’opposition sur la radio privée RFM.

« Nous nous sommes réunis et entendus pour nous rassembler à partir de 15 h (16 h à Luxembourg) pour démarrer notre campagne (électorale) de façon collective », a déclaré, sur la même radio, Habib Sy, l’un des vingt candidats.

 « Période d’incertitude » 

L’Union européenne a affirmé dimanche que le report de la présidentielle ouvre une « période d’incertitude » dans le pays, appelant à des élections « dans les meilleurs délais ».

La France a appelé le Sénégal à lever les « incertitudes » créées par le report afin que le scrutin puisse se tenir « dans le meilleur délai possible ».

Les États-Unis, « profondément préoccupés », ont exhorté samedi les acteurs politiques « à s’engager pacifiquement » pour « fixer rapidement une nouvelle date et les conditions d’une élection libre et équitable ».

De son côté, l’organisation régionale Cedeao a exprimé son « inquiétude » et demandé aux autorités d’œuvrer à fixer rapidement une nouvelle date.

Le président Sall a annoncé samedi, quelques heures avant l’ouverture officielle de la campagne, l’abrogation du décret fixant la présidentielle au 25 février.

C’est la première fois depuis 1963 qu’une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal, un pays qui n’a jamais connu de coup d’État, une rareté sur le continent.

Par ailleurs, les députés se réunissent lundi pour examiner la proposition de loi déposée par le candidat et opposant Karim Wade pour le report de la présidentielle de six mois, a appris l’AFP samedi auprès du Parlement. Le texte doit être approuvé par les 3/5 des 165 députés pour être validé.

Séparation des pouvoirs 

Le président Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l’élimination de plusieurs dizaines d’autres.

A l’initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l’intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l’élection, l’Assemblée a approuvé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures.

Contre toute attente, des députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d’un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter une défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.

Au contraire, le candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye, à la candidature validée par le Conseil constitutionnel bien qu’il soir emprisonné depuis 2023, s’est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.

Le Sénégal ne peut « se permettre une nouvelle crise » après des troubles meurtriers en mars 2021 et juin 2023, a dit le président Sall, annonçant « un dialogue national » pour « une élection libre, transparente et inclusive » et réitérant son engagement à ne pas être candidat.

Selon le code électoral, un décret fixant la date d’une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin, ce qui mènerait à fin avril dans le meilleur des cas.

La président Sall risque ainsi d’être encore à son poste au-delà de l’échéance de son mandat, le 2 avril.