Dans un froid glacial, les sauveteurs mènent mardi une course contre la montre pour tenter de porter secours aux rescapés au lendemain du puissant séisme dont le bilan, en constante aggravation, dépasse désormais les 6.200 morts en Turquie et en Syrie.
Vingt-trois millions de personnes sont « potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables », a mis en garde l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS avait auparavant dit redouter « des bilans huit fois plus élevés que les nombres initiaux ». Le séisme, d’une magnitude de 7,8, est survenu lundi à 04H17 locales (01H17 GMT) dans le Sud-Est de la Turquie et a été ressenti jusqu’au Liban, à Chypre et dans le Nord de l’Irak.
Il a été suivi de pas moins de 185 répliques dont l’une de 7,5 lundi à la mi-journée et une autre de 5,5 mardi avant l’aube. C’est le pire séisme en Turquie depuis celui du 17 août 1999 qui avait tué 17.000 personnes dont un millier à Istanbul. L’aide internationale commence à arriver mardi en Turquie où un deuil national a été décrété pour sept jours. Le décompte des morts s’y établit pour le moment à 4.544. En Syrie, 1.712 morts ont pour l’instant été recensés, soit un total de 6.256.
Le mauvais temps complique la tâche des secours et rend le sort des rescapés plus amer encore, grelottant sous des tentes ou autour de braseros improvisés. Profondément meurtrie, la région turque de Kahramanmaras (Sud-Est), difficile d’accès, est ensevelie sous la neige. En Syrie, le bilan devrait « grimper considérablement car des centaines de personnes restent piégées sous les décombres », selon les Casques blancs (volontaires de la protection civile) dans les zones rebelles.
« Où est ma maman? »
En zone gouvernementale, la province d’Alep concentre plus du quart des décès, selon les médias d’Etat. La ville, déjà dévastée par le conflit, a été durement frappée avec une cinquantaine de bâtiments effondrés et des sites historiques endommagés y compris la célèbre citadelle.
A Sawran (Nord), Mahmoud Brimo tombe à genoux devant un tas de ruines, les restes de sa maison. Non loin, un dôme gris témoigne qu’une mosquée s’élevait là. « Des années de guerre ne nous avaient pas dévasté comme cela », se lamente-t-il, avant d’ajouter: « Nous avons tout perdu en un instant. Nous sommes totalement détruits ».
De part et d’autre de la frontière, on s’active pour tenter de sauver des vies. A Jandairis, côté syrien, un bébé vivant – une petite fille – a été sorti des décombres d’un immeuble. Le bébé était encore relié par le cordon ombilical à sa mère, morte comme tous les autres membres de la famille à ses côtés. À Antakya, côté turc, une enfant de sept ans a été extirpée des ruines sous les yeux de l’AFP, après plus de vingt heures de terreur. « Où est ma maman? », a-t-elle dit au secouriste qui la tenait dans les bras.
Le footballeur ghanéen Christian Atsu, ancien de Chelsea et Newcastle qui avait rejoint en septembre le club turc de Haytayspor, a pu être sauvé à Antakya, selon l’ambassadrice du Ghana en Turquie.Les premières équipes de secouristes étrangers sont arrivés mardi. Selon le président turc qui a déclaré l’état d’urgence pour trois mois dans les dix provinces touchées par le séisme, 45 pays ont proposé leur aide.
L’Union européenne a mobilisé pour la Turquie 1.185 secouristes et 79 chiens de recherches auprès de 19 Etats membres dont la France, l’Allemagne ou la Grèce. Pour la Syrie, l’UE est en contact avec ses partenaires humanitaires sur place et finance des opérations d’aide.
« Tout le monde a peur »
Le président américain Joe Biden a promis à M. Erdogan « toute l’aide nécessaire, quelle qu’elle soit ». Deux détachements américains de 79 secouristes chacun se préparaient à partir, selon la Maison Blanche. La Chine a annoncé mardi l’envoi d’une aide de 5,9 millions de dollars, incluant des secouristes spécialisés en milieu urbain, des équipes médicales et du matériel d’urgence. Même l’Ukraine, malgré l’invasion russe, a annoncé l’envoi en Turquie de 87 secouristes.
En Syrie, l’appel lancé par les autorités de Damas a été surtout entendu par son allié russe, promettant des équipes de secours « dans les prochaines heures », alors que selon l’armée, plus de 300 militaires russes sont déjà sur les lieux pour aider les secours. L’ONU a également réagi, mais souligné que l’aide fournie irait « à tous les Syriens sur tout le territoire ». Le séisme a touché le point de passage de Bab al-Hawa, le seul pour la quasi totalité de l’aide humanitaire aux zones rebelles en Syrie acheminée depuis la Turquie, selon l’ONU.
Le Croissant-Rouge syrien, qui opère dans les zones gouvernementales, a appelé l’UE à lever les sanctions contre Damas et demandé assistance à l’Agence américaine de développement (USAID), emboîtant le pas au chef de la diplomatie syrienne Fayçal Moqdad qui avait affirmé la veille que Damas est prêt à « faciliter » la fourniture d’aide internationale.
Profitant du chaos, une vingtaine de combattants présumés du groupe jihadiste Etat islamique (EI) se sont évadés d’une prison militaire à Rajo, contrôlée par des rebelles pro-turcs.
A Sanliurfa en Turquie, les autorités ont ouvert des dortoirs pour les rescapés dans les gymnases, les collèges ou les mosquées. Mais nombre d’habitants ont préféré dormir dehors. « Qui n’a pas peur? Tout le monde a peur! », assure Mustafa Koyuncu, 55 ans, entassé avec sa femme et ses cinq enfants dans la voiture familiale.