La pression sur le gouvernement d’Angela Merkel dans le gigantesque scandale de fraude impliquant le prestataire financier Wirecard s’est accentuée mercredi avec l’audition de deux ministres par une commission parlementaire.
Figures majeures de l’exécutif, Olaf Scholz, ministre social-démocrate des Finances, et celui de l’Économie, le conservateur Peter Altmaier, répondent depuis 16 h aux questions de la commission des Finances du Bundestag, la chambre basse du Parlement, réunie à huis clos. Principale question : pourquoi les ministères et les autorités de régulation n’ont pas agi plus tôt pour éviter ce « scandale sans équivalent dans le monde de la finance », comme l’a qualifié le gouvernement allemand ?
« Nous avons besoin de rapidement et complètement mettre la lumière » sur cette affaire et « les investisseurs et le public y ont droit », a lancé avant l’audience l’élue écologiste Lisa Paus. « Ce ne sera pas la dernière réunion de la commission à ce sujet », a-t-elle prévenu. Tout a éclaté en juin quand Wirecard, membre du prestigieux indice boursier Dax des plus grandes entreprises allemandes, a avoué que 1,9 milliard d’euros inscrits dans ses comptes – un quart de son bilan – n’existaient pas. Le titre a chuté de plus de 98% et la société fait désormais faillite. Son fondateur et ancien patron, l’Autrichien Markus Braun, et deux ex-directeurs sont en détention provisoire pour plusieurs chefs d’accusations. Car au-delà de l’argent volatilisé, la justice reproche aux dirigeants d’avoir « gonflé » dès 2015 le bilan en « inventant des recettes ».
L’ancien directeur des opérations, Jan Marsalek, soupçonné de liens avec divers services de renseignement, refuse à ce jour de se livrer et serait en Russie, selon des médias allemands. L’autorité allemande des marchés financiers et de la régulation bancaire, la BaFin, sous la houlette du ministère des Finances, se retrouve depuis le début de l’affaire sur la sellette. Depuis déjà cinq ans, la presse s’est fait l’écho de soupçons d’irrégularités dans le modèle économique de Wirecard.
Le gouvernement est aussi dans une situation délicate
Début 2019, le Financial Times avait même publié une enquête approfondie sur des soupçons de fraude en Asie. Ces informations, restées sans conséquences pour Wirecard, ont déclenché en revanche une enquête visant les journalistes. Felix Hufeld, directeur du gendarme financier visé depuis la semaine dernière par une action en justice d’investisseurs, avait qualifié fin juin l’affaire de « désastre complet » et de « honte » pour le pays. Le gouvernement est aussi dans une situation délicate : selon un rapport produit par son ministère, Olaf Scholz était au courant dès 2019 d’une enquête secrète de la BaFin sur des soupçons de manipulation des marchés visant Wirecard.
« Il y avait des défaillances à tous les niveaux : Olaf Scholz aurait dû mieux contrôler la BaFin et celle-ci aurait dû mieux faire son travail », a déclaré Katja Hessel, présidente de la commission et élue du parti libéral FDP, à la radio Deutschlandfunk. La chancelière Angela Merkel a elle aussi été mise en cause, le magazine Der Spiegel affirmant qu’elle avait fait la promotion de la société lors d’un voyage en Chine en 2019, alors que ses services étaient déjà au courant de l’existence d’une enquête. La chancellerie a démenti qu’Angela Merkel ait été au courant si tôt d’irrégularités.
Pour éviter une nouvelle débâcle, Olaf Scholz a promis une réforme de la supervision, donnant plus de pouvoirs et de moyens à la BaFin, selon un document de travail consulté par l’AFP. « Il faut réagir à ce désastre mais aussi rendre des comptes sur ce qui s’est passé », a jugé Hans Michelbach, du parti conservateur CSU, allié du parti de la chancelière. L’opposition n’exclut pas une commission d’enquête parlementaire. Le dossier Wirecard rappelle celui d’Enron aux États-Unis au début des années 2000 : le groupe texan, qui gonflait artificiellement ses profits et a fait faillite, masquait ses pertes et falsifiait ses comptes pour améliorer sa valeur boursière. Wirecard, qui compte 6 000 employés dans le monde, est en plein démantèlement avec quelque 140 intéressés par un rachat entier ou partiel, mais poursuit pour l’instant ses opérations.
LQ/AFP