Les Russes votaient dimanche pour une présidentielle qui devrait sacrer le triomphe de Vladimir Poutine, l’opposition dénonçant des fraudes visant à légitimer un scrutin sans suspense par une forte mobilisation.
Engagé dans un nouveau bras de fer avec les Occidentaux depuis l’empoisonnement de l’ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre, le président russe, âgé de 65 ans, devrait remporter haut la main un quatrième mandat courant jusqu’en 2024. Mais faute de suspense et vu les appels au boycott de l’opposant Alexeï Navalny, le Kremlin a tout fait pour que la participation, seul véritable baromètre de ce scrutin, soit aussi forte que possible dimanche.
Plus de 1 800 irrégularités
L’ONG Golos, spécialisée dans la surveillance des élections, dresse sur son site internet une carte des fraudes faisant état à 11h GMT de 1 839 cas d’irrégularités tels que bourrages d’urne, votes multiples ou entraves au travail des observateurs. Selon la Commission électorale, la participation globale s’établissait à 11h GMT à 34,72%, soit davantage que lors du précédent scrutin de 2012 à la même heure. L’agence publique TASS a pour sa part fait état de taux de participation dépassant les 60%, voire les 70%, dans les régions de l’Extrême-Orient russe, où le vote, pour lequel plus de 107 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, s’est terminé plus tôt compte tenu du décalage horaire.
Les autorités ont mené des campagnes massives d’information et d’incitation au vote, facilitant le vote hors du lieu de résidence mais aussi, selon des médias, en faisant pression sur les fonctionnaires ou les étudiants pour aller aux urnes. Des militants de l’opposition ont fait par exemple état dimanche d’électeurs amenés en bus dans les bureaux de vote par la police ou de coupons de réductions distribués aux Russes se rendant aux urnes.
L’organisation Golos a de son côté rapporté des informations faisant état de contraintes exercées par des employeurs ou universités forçant employés et étudiants à voter non pas à leur lieu de domicile mais sur leur lieu de travail ou d’étude, « où l’on peut contrôler leur participation au scrutin ». La candidate proche de l’opposition libérale, Ksenia Sobtchak, a de son côté appelé les électeurs à se rendre aux urnes. « Plus le score de Poutine sera élevé, plus dur sera le système », a-t-elle plaidé.
Depardieu a voté
Loué par les uns pour avoir ramené la stabilité après les dures années 1990 et vilipendé par les autres pour un net recul des libertés, Vladimir Poutine est crédité d’environ 70% des intentions de vote dans les derniers sondages. « Ces quatre dernières années, on a eu les sanctions (occidentales), mais nous avons aussi construit beaucoup, de nouvelles usines ont ouvert, l’inflation est faible », explique Olga Matiounina, pro-Poutine de 65 ans. « Tout le monde sait qui sera élu. On en perd l’envie (d’aller voter) et on a le sentiment que rien ne dépend de nous », indique de son côté Boris, un cadre de 39 ans interrogé à Saint-Pétersbourg.
L’acteur français Gérard Depardieu, devenu citoyen russe en 2013, est également allé déposé son bulletin dans l’urne dimanche à l’ambassade à Paris.
Gérard Depardieu a voté ! #RussiaElections2018 pic.twitter.com/Hggrt03akI
— Lucas Léger (@lucas_rtfrance) 18 mars 2018
Après avoir voté à Moscou, le président russe a assuré qu’il se satisferait de n’importe quel score du moment qu’il lui « donne le droit d’exercer la fonction de président ». Son principal adversaire, le candidat communiste Pavel Groudinine, est crédité de 7% des voix par l’institut public VTSIOM et le troisième, l’ultranationaliste Vladimir Jirinovski, de 5%, devant la journaliste libérale Ksénia Sobtchak (1-2%), les quatre autres candidats se contentant de scores négligeables.
Symboliquement, le scrutin de dimanche se tient quatre ans jour pour jour après la ratification du rattachement de la péninsule ukrainienne de Crimée à la Russie, décidé à l’issue d’un référendum jugé illégal par Kiev et les Occidentaux. En représailles à la tenue de la présidentielle en Crimée, Kiev a décidé de bloquer le vote des électeurs russes résidant en Ukraine. Des dizaines de policiers, ainsi que des militants nationalistes, bloquaient ainsi dimanche l’accès aux consulats russes dans plusieurs grandes villes du pays.
Le Quotidien/AFP