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Russie : plus de mille arrestations lors d’une manifestation de l’opposition


Des policiers russes arrêtant l'un des manifestants. (Photo AFP)

La police russe a arrêté samedi plus de cinq cents personnes parmi les manifestants venus réclamer devant la mairie de Moscou des élections libres malgré l’accentuation de la répression contre l’opposition ces derniers jours.

Avant même le début du rassemblement, les forces de l’ordre, mobilisées en grand nombre, ont arrêté par dizaines les protestataires qui affluaient, moins d’une semaine après un rassemblement sans précédent depuis le mouvement qui avait accompagné le retour de Vladimir Poutine au Kremlin.

L’opposition dénonce le rejet des candidatures indépendantes lors des élections locales du 8 septembre, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir. « J’ai eu peur toute ma vie, mais maintenant cela suffit. Si nous restons chez nous à la maison, rien ne changera », a déclaré à l’AFP Elena Rastovka, retraitée de 68 ans.

Un journaliste de l’AFP a pu voir au moins 70 personnes être arrêtées. L’ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations, a décompté plus de 1 000 arrestations. Avant même le rassemblement, plusieurs figures de l’opposition ont été arrêtées tels Ilia Iachine, Lioubov Sobol ou Dmitri Goudkov qui avait affirmé vendredi que l’enjeu dépassait les élections locales.

« Il s’agit de savoir si, dans la Russie d’aujourd’hui, il est possible de faire légalement de la politique », avait-il déclaré. Les domiciles et permanences de plusieurs candidats exclus avaient été perquisitionnés par avance et, mercredi, l’opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny avait été renvoyé en prison 30 jours pour des infractions « aux règles des manifestations ».

Ces procédures font suite à l’ouverture d’une enquête pour « entrave au travail de la Commission électorale » de Moscou lors de manifestations mi-juillet. Elles peuvent aboutir à des peines atteignant cinq ans de prison, rappelant les importantes condamnations prononcées lors du mouvement de 2011-2012 contre le retour à la présidence de Vladimir Poutine. Redoutant une « répression massive à venir », l’ONG Amnesty International a, elle, critiqué une « tentative ouverte et sans gêne des autorités russes pour intimider l’opposition ».

Une mise en garde publiée en amont par la police

En amont du rassemblement de samedi, la police de Moscou a publié une mise en garde aux citoyens et, fait inédit, proposé aux journalistes couvrant l’événement de transmettre leurs identités, augurant de nombreuses arrestations. Exceptionnellement élevée après l’annexion de la Crimée, la popularité de Vladimir Poutine a baissé depuis sa réélection pour un quatrième mandat l’année dernière et les scrutins de début septembre s’annoncent difficiles pour le pouvoir.

L’enregistrement d’une soixantaine de candidats aux élections du Parlement de Moscou a été rejeté, officiellement en raison de vices dans la collecte des signatures nécessaires pour se présenter. Des participants indépendants exclus du scrutin ont dénoncé des irrégularités fabriquées selon eux de toutes pièces et ont accusé le maire loyal au pouvoir, Sergueï Sobianine, de vouloir étouffer l’opposition, qui espérait avoir son mot à dire dans la gestion du budget faramineux de la capitale.

« L’option de la force, visiblement, a été choisie car considérée comme plus efficace », soutient le politologue Andreï Kolesnikov, interrogé par le quotidien Vedomosti. « C’est assez logique, car si on regarde en arrière, depuis 2012, le pouvoir a seulement évolué vers la répression ». Malgré de grands projets de modernisation et l’amélioration de la qualité de vie ces dernières années, la mégapole de 12 millions d’habitants officiels demeure plus favorable à l’opposition que le reste du pays.

« Le projet (…) était de transformer Moscou en capitale européenne moderne afin de contenir le mécontentement public et d’assurer la victoire des partis pro-pouvoir lors de scrutins plus ou moins honnêtes », analyse l’éditorialiste Ioulia Latynina dans le journal Novaïa Gazeta. « Mais cela ne marche plus ».