Si le gouvernement britannique a condamné le déboulonnage de la statue d’un marchand d’esclaves à Bristol, les appels se multiplient désormais à remiser au musée ce monument, comme d’autres glorifiant le passé esclavagiste et colonialiste du Royaume-Uni.
« DEMOLISSEZ LES TOUTES. Partout » a écrit le sextuple champion britannique de Formule 1 Lewis Hamilton sur Instagram, se disant « fier » des manifestants qui s’en sont pris à cette statue en bronze d’Edward Colston, érigée en 1895 dans une rue portant son nom de cette ville du Sud-Ouest de l’Angleterre, au passé esclavagiste.
Elle a été arrachée dimanche de son piédestal à l’aide de cordes tirées par un groupe de protestataires dénonçant la mort de George Floyd, un Américain noir asphyxié durant son arrestation par un policier blanc aux Etats-Unis.
La statue a ensuite été piétinée puis jetée dans le port fluvial, selon des images diffusées par les médias britanniques.
?? FLASH – À #Bristol, des manifestants #BlackLivesMattters ont retiré la statue de Edward #Colston, marchand d’esclaves qui a développé la ville au XVème siècle. La statue a ensuite été jetée dans un canal. (BBC) #GeorgeFloyd pic.twitter.com/UpCrxPW4Nl
— Conflits (@Conflits_FR) June 7, 2020
« En tant qu’élu, je ne peux évidemment pas tolérer les dégradations et je suis très préoccupé par les implications d’un rassemblement de masse sur la possibilité d’une deuxième vague » de contaminations par le nouveau coronavirus, a déclaré le maire travailliste de Bristol, Marvin Rees sur la BBC.
« Mais je suis d’origine jamaïcaine et je ne peux pas dire que j’ai un véritable sentiment de perte », a-t-il poursuivi, expliquant qu’il voyait la statue comme un « affront personnel » et son déboulonnage comme un moment « historique » et jugeant « hautement probable » que la statue finisse au musée.
Tout en condamnant un déboulonnage illégal, l’association de protection du patrimoine Historic England, a dit reconnaître que « la statue était un symbole d’injustice »: « Nous ne pensons pas qu’elle doive être réinstallée ».
Le maintien de cette statue du marchand d’esclaves et député, qui a financé de nombreuses institutions à Bristol, faisait débat depuis des années, sans avoir été tranché.
Plusieurs lieux publics portent le nom d’Edward Colston dans la ville, comme le Colston Hall, salle de concert où se sont produits les Beatles, David Bowie ou Elton John. Cette dernière a promis une nouvelle appellation pour l’automne et va d’ores et déjà retirer toutes les signalisations extérieures l’identifiant.
Le racisme, « la seule maladie »
Le Premier ministre Boris Johnson a estimé que « les gens peuvent faire campagne pour le retrait de la statue, mais ce qui s’est passé hier était un acte criminel », a rapporté lundi son porte-parole. « C’est inacceptable et la police demandera des comptes aux responsables. »
Dénonçant la manière dont la statue a été mise à bas, le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer a néanmoins estimé qu’elle « aurait dû être retirée depuis des années ».
Colston « est un homme responsable de l’envoi de 100 000 personnes d’Afrique vers les Caraïbes pour devenir esclaves, dont des femmes et des enfants à qui on marquait la poitrine du nom de sa compagnie ».
« On ne peut pas avoir une statue de marchand d’esclaves en Grande-Bretagne au XXIe siècle », a-t-il estimé, jugeant lui aussi qu’elle avait sa place dans un musée.
La star du club de foot Manchester City, Raheem Sterling, a soutenu les manifestants contre le racisme qui ont défié les interdictions de rassemblements prises en raison de la pandémie. « La seule maladie en ce moment c’est le racisme contre lequel nous luttons », a-t-il déclaré dimanche soir sur la BBC.
La pop star Lewis Capaldi a participé aux rassemblements à Edimbourg, en Ecosse, tandis que le rappeur Stormzy et le boxeur poids lourds britannique Anthony Joshua figuraient aux côtés des manifestants dans la capitale britannique.
A Londres, une autre statue a été prise pour cible ce weekend, devant le Parlement, celle de l’ancien Premier ministre conservateur et héros de la Deuxième Guerre mondiale, Winston Churchill, dont divers propos sur les questions raciales ont suscité la controverse.
L’inscription « était un raciste » a été apposée sous son nom sur le socle, provoquant des commentaires indignés dans les tabloïds conservateurs.
Quarante-neuf policiers ont été blessés lors des manifestations du weekend, a indiqué la cheffe de la police de Londres, Cressida Dick, dans The Evening Standard. Plus de 60 personnes ont été arrêtées.
AFP