Le Premier ministre britannique Boris Johnson et son adversaire travailliste Jeremy Corbyn entrent lundi dans la dernière ligne droite avant les élections anticipées de jeudi, dont l’issue décisive pour le Brexit va tracer le chemin du Royaume-Uni pour les décennies à venir.
Arrivé au pouvoir en juillet, le dirigeant conservateur a fait le pari de convoquer ces législatives pour mettre en oeuvre la sortie de l’Union européenne, pour laquelle les Britanniques ont voté à 52% il y a trois ans et demi mais qui a plongé le pays dans une profonde crise politique.
S’il est donné en tête des sondages, le contexte politique très agité rend l’issue incertaine et le scrutin s’annonce serré dans de nombreuses circonscriptions, poussant les partis à redoubler d’efforts dans les derniers jours de campagne.
Après avoir promis dimanche de se « battre pour chaque vote », Boris Johnson doit faire campagne lundi dans le nord du pays, pour y répéter que la seule manière de réaliser le Brexit est d’opter pour une majorité conservatrice. Il reste « trois jours pour sortir de l’impasse », doit-il déclarer lors d’un discours à Sunderland, ville qui abrite une usine géante du constructeur automobile japonais Nissan, selon des extraits diffusés par ses services.
« L’impact de cette élection se fera ressentir pour les décennies à venir », a-t-il encore souligné dans une lettre ouverte publiée par le Sunday Telegraph.
Boris Johnson espère décrocher la majorité qui lui a fait défaut pour pouvoir faire adopter par le Parlement l’accord de Brexit qu’il a négocié avec Bruxelles. Le leader conservateur de 55 ans promet qu’après trois reports du Brexit, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne le 31 janvier.
Fractures
Sa prédécesseure Theresa May, qui avait également fait le pari de convoquer des élections en 2017 pour asseoir sa légitimité, était également donnée en tête dans les enquêtes d’opinion jusqu’au bout de la campagne. Elle n’avait finalement pas obtenu la majorité absolue à la Chambre des communes, plongeant encore plus son pays dans la crise.
Accusé de s’être dérobé à un redoutable intervieweur de la BBC qui voulait le cuisiner sur la confiance que les Britanniques peuvent accorder à un dirigeant épinglé pour de multiples mensonges, Boris Johnson se voit reprocher de nombreuses annonces biaisées: 40 nouveaux hôpitaux dont seuls six sont financés, effectifs supplémentaires dans la police qui ne viennent que compenser les précédentes suppressions…
Face à lui, le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn, vétéran socialiste de 70 ans bien plus à gauche que ses prédécesseurs, mène une campagne radicale, promettant nationalisations et investissements massifs dans les services publics.
Pour guérir les fractures qui secouent le pays depuis trois ans, il veut renégocier un accord de sortie de l’Union européenne qui maintiendrait des liens étroits avec les 27, qu’il soumettrait à un nouveau référendum proposant comme alternative le maintien dans l’UE. Une position qui lui vaut d’être critiqué pour son manque de clarté.
Mais avec un parti libéral-démocrate dont la promesse d’annuler purement et simplement le Brexit suscite, selon les sondages, bien peu d’enthousiasme, le vote travailliste peut apparaître pour beaucoup comme le seul susceptible de permettre d’empêcher le Royaume-Uni de quitter l’Union européenne.
Alliance
Le camp du « leave », lui, est uni derrière Johnson, qui a reçu jeudi le ralliement de quatre eurodéputés du parti du Brexit de l’europhobe Nigel Farage, voyant le vote conservateur comme le seul moyen d’écarter le maintien dans l’Union européenne.
Malgré son retard dans les sondages, les espoirs de Jeremy Corbyn demeurent. Si les conservateurs échouent à obtenir la majorité, le leader travailliste pourrait remporter les clés du 10 Downing Street au gré d’une alliance avec les indépendantistes écossais du SNP, farouchement opposés au Brexit.
La campagne a vu resurgir les accusations d’antisémitisme au sein du Labour, au point que selon le Daily Mail, le centre Simon Wiesenthal a désigné dimanche Jeremy Corbyn comme la personne la plus antisémite de l’année, avertissant que le Royaume-Uni deviendrait un Etat « paria » s’il remportait les élections.
Le mois dernier, le grand rabbin du Royaume-Uni avait lancé une lourde charge contre Corbyn et son incapacité à éradiquer le « poison » de l’antisémitisme au sein de son parti, appelant les électeurs à « voter en conscience ».
Dans une campagne marquée, comme en 2017, par un attentat jihadiste meurtrier à London Bridge, le père de l’une des deux victimes a reproché à Boris Johnson de faire campagne sur la mort de son fils, engagé dans la réinsertion des détenus. Dans une série de tweets, David Merrit a appelé le Royaume-Uni à se « réveiller »: « cet homme est une escroquerie. C’est le pire d’entre nous et il vous promène ».
AFP