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Retraites en France : un référendum, l’autre espoir à gauche d’une pause dans la réforme


"On a un levier qui peut faire trembler le gouvernement et le président de la République", considère le patron des députés communistes André Chassaigne. (Photo AFP)

L’exécutif sera-t-il contraint de mettre sur les rails un référendum sur les retraites ? C’est l’autre enjeu de la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril, qui nourrit à gauche l’espoir d’un frein à la réforme, à défaut d’un retrait pur et simple.

« On a un levier qui peut faire trembler le gouvernement et le président de la République », considère un instigateur de la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP), le patron des députés communistes André Chassaigne.

Saisis par les parlementaires de la gauche et du RN, les Sages doivent dans une semaine rendre deux décisions. La première porte sur la conformité à la Constitution du projet de réforme repoussant l’âge de départ à la retraite à 64 ans, et de ses conditions compliquées d’adoption au Parlement.

Ils doivent également dire stop ou encore à la poursuite du projet de RIP initié par 252 parlementaires de gauche et des indépendantistes de Liot. En cas de feu vert à ce dernier, s’engagerait le recueil durant neuf mois des 4,8 millions de soutiens citoyens nécessaires, avant une possible consultation nationale sur un maintien de l’âge de départ à 62 ans.

« Bouillonnement démocratique »

Compte tenu du fort « mécontentement populaire », André Chassaigne fait « le pari qu’on n’aura pas besoin d’autant de temps », tablant sur l’atteinte de ce seuil « avant l’été », dans un « bouillonnement démocratique » du pays. Malgré plusieurs tentatives, aucun RIP n’est allé à son terme, depuis son introduction dans la Constitution en 2008 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy.

Un précédent essai transpartisan en 2019-2020 contre la privatisation d’Aéroports de Paris avait enregistré plus d’un million de signatures, encore loin des 10% requis du corps électoral. Le gouvernement avait cependant suspendu son projet de privatisation en raison de la crise du Covid-19.

Au sein de l’alliance de gauche Nupes, les Insoumis sont les moins allants sur le RIP, visant plutôt un « retrait de la réforme à court terme ».

Dans l’attente du Conseil constitutionnel

D’autres parlementaires soutenant le RIP soulignent qu’il a été « conçu pour ne pas pouvoir être mis en oeuvre », car d’autres obstacles demeurent après la marche des 4,8 millions de signatures.

C’est en effet seulement si la proposition référendaire n’est pas examinée au moins une fois par chaque chambre dans un nouveau délai de six mois que le président de la République la soumet au peuple.

Un responsable écologiste constate « une vraie envie sur les territoires » de prendre la parole sur le sujet, et les partenaires de gauche sont plutôt confiants du verdict du Conseil constitutionnel. « La majorité n’est pas prête, ça peut être très dangereux pour eux », assure la députée EELV Marie-Charlotte Garin.

Le gouvernement a transmis ses « observations » écrites: il estime que la proposition de référendum ne porte pas « réforme » et « se borne à +affirmer+ une limite d’âge qui figure déjà dans les textes en vigueur », à 62 ans. Les auteurs du RIP ont contesté en retour ces arguments. Reste que si les Sages validaient à la fois le projet gouvernemental de réforme et la procédure de RIP, les échanges se corseraient.

Une course parallèle

Ce sera « une autre bagarre à conduire: qu’il n’y ait pas l’application de la loi tant que le RIP sera en construction », anticipe André Chassaigne. Le ministre du Travail Olivier Dussopt, qui a « lu un certain nombre d’analyses », affirme lui que « même si le Conseil constitutionnel validait la demande de référendum, cela n’empêche pas la mise en oeuvre du texte tel qu’il a été adopté ».

Cela risque d’être une « course parallèle » entre d’un côté promulgation de la réforme et décrets d’application, de l’autre recueil des signatures citoyennes, redoute Valérie Rabault (PS).

Mais Emmanuel Macron peut « ne pas mettre en oeuvre la loi » pour empêcher « une situation absurde », suggère cette vice-présidente de l’Assemblée, rappelant le précédent du CPE (contrat première embauche), suspendu en 2006 par Jacques Chirac.

Mettre sur pause, le chef de l’Etat « en a le droit et il est même souhaitable qu’il le fasse, pour éviter tout conflit avec la procédure référendaire et apaiser la colère citoyenne », a défendu auprès du Monde le constitutionnaliste Dominique Rousseau, très écouté à gauche.