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Retraites en France : les opposants engagent l’épreuve de force dans la rue


Pour les grévistes, la réforme des retraites s'ajoute à beaucoup d'autres motifs de mécontentement. Photo : AFP

Des centaines de milliers de personnes attendues dans la rue, des grèves et leur cortège de perturbations à l’école et dans les transports : les syndicats français donnent jeudi le coup d’envoi d’une mobilisation qu’ils espèrent assez « puissante » pour faire reculer le gouvernement sur sa réforme phare des retraites.

Plus de 200 points de rassemblement sont prévus en France, les autorités attendant 550 000 à 750 000 manifestants, dont 50 à 80 000 à Paris.

Le cortège parisien s’ébranlera à 14h de la place de la République, direction Nation, derrière les représentants des huit principaux syndicats, un front uni inédit depuis 12 ans. De nombreux élus de gauche ont annoncé leur participation.

Plus de 10 000 policiers et gendarmes seront à pied d’œuvre, dont 3 500 à Paris, où le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dit redouter l’afflux d’un « petit millier de personnes » susceptibles d’en découdre.

Le 5 décembre 2019, au démarrage de la contestation contre le précédent projet de réforme des retraites, la police avait compté 806 000 manifestants en France. Pour la CGT, ils étaient 1,5 million.

« Il faut que les mobilisations soient suffisamment puissantes pour que ce projet soit revu de fond en comble », a déclaré le N.1 de la CGT Philippe Martinez qui espérait la semaine dernière au moins un million de manifestants pour dire non au recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans.

« Il faut faire une première démonstration de force » et que « cela se passe le plus pacifiquement possible », a abondé mercredi son homologue de la CFDT, Laurent Berger.

70% de grévistes dans le premier degré

Écoles fermées, trains au compte-goutte : plusieurs services publics sont fortement perturbés, à tel point que le ministre des Transports Clément Beaune a appelé les Français à décaler leurs déplacements ou télétravailler s’ils le peuvent.

La SNCF prévoit une circulation « très fortement perturbée » avec un TGV sur trois, voire un sur cinq selon les lignes, et à peine un TER sur dix en moyenne. Le métro parisien sera réduit à l’essentiel.

Le ciel n’est pas épargné. 20% des vols devraient être annulés à Orly.

Raffineries et dépôts pétroliers sont appelés à cesser leurs activités pendant 24 heures, mais sans pénurie pour l’heure.

Le mouvement s’annonce très suivi dans les écoles, avec 70% d’enseignants grévistes dans le premier degré. Dans le secondaire, de nombreux professeurs seront absents, et des blocus de lycées sont attendus.

Pour les grévistes, la réforme des retraites s’ajoute à beaucoup d’autres motifs de mécontentement. « Quand on vous dit que vous allez bosser deux ans de plus dans des mauvaises conditions salariales et de travail, ça vient s’ajouter », témoigne Benjamin Marol, 45 ans, prof d’histoire-géo à Montreuil (Seine-Saint-Denis).

Nouvelle mobilisation le 26 ?

Cette première journée a valeur de test pour l’exécutif comme pour les syndicats, qui se retrouveront dans la soirée pour décider d’une nouvelle date – le 26 février est sur la table.

La CGT du pétrole a déjà fait part de son intention de se remettre en grève le 26 janvier pour 48 heures, et le 6 février pour 72 heures.

La CGT Mines-Energie a, elle aussi, annoncé une grève reconductible à partir de jeudi. Les agents d’EDF ont procédé mercredi, dans les barrages, à de premières baisses de production d’électricité.

Son secrétaire général Sébastien Menesplier a créé la polémique en affirmant vouloir « s’occuper » des élus qui soutiennent la réforme en coupant l’électricité de leur permanence. Des menaces jugés « inacceptables » par le gouvernement.

Face à une forte mobilisation, et à une opinion majoritairement hostile selon les sondages, le gouvernement poursuit inlassablement son travail de « pédagogie », et appelle à ne pas « bloquer le pays », à quelques jours de la présentation du texte en Conseil des ministres.

Invitée surprise mercredi soir d’une réunion publique du parti majoritaire dans le Val-de-Marne, Elisabeth Borne a défendu un « projet porteur de progrès social pour le pays ».

Le chef de l’État – en déplacement en Espagne jeudi – a tenté mercredi de mettre un coin dans l’unité syndicale, en appelant à « faire le distinguo entre les syndicats qui appellent à manifester dans un cadre traditionnel, et ceux qui sont dans une démarche délibérée de bloquer le pays, voire de cibler des parlementaires ».