Jour J pour une réforme emblématique : le gouvernement présente mardi ses choix pour l’avenir du système de retraites, le report de l’âge légal de départ annonçant une vive opposition dans la rue et au Parlement, malgré les mesures de « justice sociale » promises.
La Première ministre Elisabeth Borne dévoilera à 17 h 30 cette réforme voulue par Emmanuel Macron pour « préserver » le système de retraites par répartition. Selon l’exécutif, il y a « urgence » à redresser un régime qui pourrait afficher une vingtaine de milliards d’euros de déficit en 2030.
À cette fin, le gouvernement pourrait annoncer le relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans au lieu de 62, progressivement à partir de l’automne 2023. Cette mesure serait couplée à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, qui passerait à 43 ans avant l’horizon 2035 fixé par la réforme Touraine de 2014.
Ce report à 64 ans plutôt qu’à 65 ans pourrait valoir au gouvernement le soutien de la droite LR, qui défend cette option depuis des années au Sénat.
Les autres oppositions et les syndicats sont vent debout contre tout relèvement de l’âge légal, estimant qu’il affecterait surtout les plus modestes, qui ont commencé à travailler tôt et ont déjà leurs trimestres à 62 ans.
« Il y a besoin d’une réforme des retraites pour augmenter les pensions, prendre en compte les carrières hachées, réparer les inégalités entre les femmes et les hommes mais la réforme des retraites proposée par le gouvernement est une réforme dure, extrêmement violente », a déploré le chef du PCF Fabien Roussel mardi sur France 2.
Appels à la grève
La suite ne fait guère de doute : réunis dès la fin d’après-midi à la Bourse du travail à Paris, les numéros un des huit grands syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) devraient appeler à une première journée de manifestations et de grèves le 19 ou le 24 janvier.
« Si Emmanuel Macron veut en faire sa mère des réformes (…), pour nous ce sera la mère des batailles », prévient le patron de Force ouvrière, Frédéric Souillot.
Dans les bastions syndicaux de l’énergie, la RATP et la SNCF, l’extinction à long terme des régimes spéciaux fournira des arguments supplémentaires à une mobilisation. Pour percer le front des syndicats et infléchir le premier d’entre eux, la CFDT, le gouvernement a mis en avant des mesures de compensation.
Le minimum de pension sera relevé à 85% du Smic (bientôt 1 200 euros net par mois) pour une carrière complète. Cela pourrait concerner non seulement les futurs retraités mais aussi ceux d’aujourd’hui, autre clé d’un compromis avec Les Républicains.
Un « index seniors »
Le gouvernement insiste sur le maintien d’un dispositif « carrières longues » : le départ sera toujours anticipé de deux ans pour les travailleurs qui ont validé cinq trimestres avant l’âge de 20 ans, et pourrait l’être de quatre ans pour ceux qui en ont accumulé dix.
« L’idéal serait que dès lors que vous avez vos annuités, c’est-à-dire 43 années de cotisation, quel que soit l’âge, il faudrait pouvoir partir en retraite sans décote », a estimé la députée LR Annie Genevard sur Public Sénat, affirmant que ce serait « l’objectif » de son groupe.
Pour améliorer le maintien au travail des seniors, les trimestres effectués dans le cadre d’un cumul emploi-retraite devraient désormais compter pour la pension, et l’accès à la retraite progressive sera facilité et ouvert aux fonctionnaires.
En outre, le gouvernement veut créer un « index seniors » que les entreprises de plus de 50 salariés devront publier, ce qui suscite l’hostilité du patronat.
Le gouvernement veut aller vite
Au chapitre pénibilité, les trois critères abandonnés en 2017 (port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques) devraient être réintégrés, sous réserve d’un examen médical que les syndicats refusent.
Mais « même avec des mesures positives sur les carrières longues ou la pénibilité », « il n’y aura pas de deal avec la CFDT », a prévenu son secrétaire général, Laurent Berger. Une CFDT plus hostile que lors de la précédente tentative de réforme, en 2020, avortée pour cause de crise sanitaire: elle était alors favorable à la retraite à points.
Rasséréné par un possible appui de la droite mais rafraîchi par l’opposition syndicale unanime, l’exécutif veut aller vite. Il devrait inscrire sa réforme dans un projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale présenté en Conseil des ministres le 23 janvier, avant son arrivée la semaine suivante en commission à l’Assemblée. Là où la gauche Nupes lui promet un déluge d’amendements.