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Retraites en France : encore beaucoup d’incertitudes à la veille du vote de l’Assemblée nationale


"Ne votez pas cette loi, elle est déconnectée de la réalité concrète du travail", a lancé aux élus le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger (à g.. (photo AFP)

Les tractations se sont accélérées sur la réforme des retraites mercredi: un compromis a été trouvé sur l’épineuse question des carrières longues en commission mixte paritaire, à la veille d’une journée à suspense pour ce projet phare d’Emmanuel Macron.

Le sujet des carrières longues est crucial. C’est sur ce point que le chef de l’État et le gouvernement espèrent trouver suffisamment de voix chez Les Républicains pour adopter in fine la réforme sans 49.3. Reste à savoir si le compromis, dont les détails n’ont pas été encore dévoilés, sera de nature à satisfaire les LR récalcitrants. « Je voterai contre » la réforme si un dispositif comprenant une durée maximale de cotisation de 43 ans pour l’ensemble des salariés n’est pas validé, a martelé Aurélien Pradié (LR).

Un accord global sur le texte en commission mixte paritaire (CMP) est indispensable pour un vote final, jeudi à l’Assemblée nationale. La Première ministre Elisabeth Borne s’est dite mercredi « convaincue » que les sénateurs et députés réunis en CMP « peuvent s’accorder pour un projet qui garantira l’avenir de nos retraites par répartition ». Lors de ses discussions mercredi, la CMP a validé sans surprise le recul à 64 ans de l’âge de départ en retraite.

Sur le front social, la mobilisation à Paris était visiblement moins forte que le 7 mars, point d’orgue de la contestation. À Marseille, 7 000 personnes ont défilé selon la préfecture, 160 000 d’après l’intersyndicale. Le 7 mars, la police avait recensé 30 000 manifestants et les syndicats 245 000. Des tensions ont émaillé certains cortèges, comme à Rennes où de nombreuses vitrines ont été endommagées. La préfecture a annoncé 18 interpellations.  À Saint-Étienne, des heurts ont eu lieu à la mi-journée devant les locaux du Medef, la police faisant usage de gaz lacrymogène et de matraques pour repousser des manifestants.

Le cortège parisien poursuivait vers la place d’Italie. « Ne votez pas cette loi, elle est déconnectée de la réalité concrète du travail », a lancé aux élus le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, présent dans le rassemblement. Le gouvernement « essaye de rouler tout le monde », notamment la droite, a dénoncé le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon.

Les voix des Républicains sont cruciales pour le camp présidentiel qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. « Plus que jamais le gouvernement cherche à ce qu’une majorité naturelle puisse soutenir cette réforme urgente et cruciale », a déclaré son porte-parole Olivier Véran, à l’issue du Conseil des ministres.

CDI senior 

En attendant, la CMP – sept députés, sept sénateurs, et autant de suppléants – continue de plancher au Palais Bourbon. La commission a aussi dessiné un accord sur la création, proposée par la droite sénatoriale, d’un CDI senior, exonéré de cotisations familiales, selon le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli, membre de la CMP. Mais le dispositif serait expérimenté jusqu’en 2026 et n’aurait qu’un champ limité.

L’exécutif a déjà concédé à la droite un recul de l’âge de départ à 64 ans, et non 65, ainsi qu’un relèvement des petites pensions élargi aux retraités actuels. L’opposition de gauche dénonce « un manque de débat » lors de la CMP. « De petits détails ont été modifiés, des loups se cachent partout », a accusé un de ses membres, le député socialiste Arthur Delaporte, dénonçant « une vaste blague ».

Un accord est probable en commission car les macronistes et la droite y sont majoritaires. En cas de succès, le texte sera soumis jeudi matin au Sénat, dominé par la droite, qui le validera une dernière fois. Mais le suspense demeure sur le vote qui doit suivre dans l’après-midi à l’Assemblée nationale avec les divisions qui perdurent chez Les Républicains. « Ce n’est pas un vote d’adhésion, c’est un vote de responsabilité », a martelé sur Europe 1 à l’intention de la droite Olivier  Véran. « Jusqu’au dernier moment, il y aura une incertitude », relève une source gouvernementale.

Moins de grévistes

Ces doutes laissent planer la possibilité que le gouvernement déclenche l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote. Plusieurs voix dans le camp des Républicains ne s’opposent pas à cette hypothèse. « Il vaut mieux un 49.3 que pas de réforme du tout », a estimé sur France Inter le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau. Y avoir recours serait toutefois perçu comme un geste politique ravageur, susceptible de durcir le mouvement comme ont averti plusieurs leaders syndicaux. Utiliser le 49.3 expose aussi l’exécutif à une motion de censure. Les grèves reconductibles se poursuivaient, même si on est loin d’une « France à l’arrêt ».

À la SNCF, quelque 15% de grévistes étaient recensés à la mi-journée selon une source syndicale, un chiffre en nette baisse par rapport au 7 mars. Dans la fonction publique d’État, on comptait moins de 3% de grévistes, contre près de 25% le 7 mars. Le secteur de l’électricité et du gaz reste mobilisé compte tenu de l’enjeu crucial pour les salariés qui, outre le recul de l’âge légal, refusent la suppression de leur régime spécial.

Quelque 7 000 tonnes d’ordures s’amoncellent à Paris où les éboueurs ont voté la poursuite de leur mouvement au moins jusqu’au 20 mars.

L’intersyndicale va se réunir dans la soirée.