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Reprise des pourparlers Russie-Ukraine, l’Ouest ukrainien touché


Mykhaïlo Podoliak (en bas, à g.), conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a tweeté que Moscou avait cessé de lancer "des ultimatums" à Kiev et commencé à "écouter attentivement nos propositions"

Une nouvelle session de pourparlers entre responsables russes et ukrainiens se tient lundi matin, sous des auspices plus positifs que les précédentes, même si le conflit s’est étendu ces derniers jours à l’ouest de l’Ukraine, aux portes de l’OTAN.

Des milliers de militaires ont perdu la vie depuis près de vingt jours et le lancement de l’invasion russe du territoire ukrainien, le 24 février : Kiev faisait état samedi d’«environ 1 300» soldats ukrainiens tués, et Moscou de 498 morts dans ses rangs (unique bilan côté russe, annoncé le 2 mars), alors que le Pentagone parlait de 2 000 à 4 000 morts russes en 14 jours.

Côté civils, au moins 596 personnes ont péri, selon un décompte de l’ONU qu’elle estime sans doute très inférieur à la réalité. Un premier journaliste est mort dimanche, l’Américain Brent Renaud, et plusieurs agences onusiennes ont exigé le même jour l’arrêt des attaques contre les personnels et infrastructures de santé en Ukraine.

C’est dans ce contexte que reprend le dialogue entre les deux belligérants, à partir de 9 h 20 via visioconférence, comme l’a précisé dimanche soir un membre de la délégation ukrainienne, David Arakhamia.

Et il y a cette fois une lueur d’espoir qui tranche avec l’échec des trois premières sessions de pourparlers au Bélarus, puis de la rencontre jeudi en Turquie entre les ministres des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et ukrainien Dmytro Kouleba.

Pékin aide-t-il Moscou ? 

Dimanche soir, un négociateur russe a fait état de « progrès significatifs ». « Mon attente personnelle est que ces progrès aboutissent très prochainement à une position commune entre les deux délégations et à des documents à signer », a ajouté Léonid Sloutski, cité par les agences de presse russes.

Peu après, Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a tweeté que Moscou avait cessé de lancer « des ultimatums » à Kiev et commencé à « écouter attentivement nos propositions ».

Deux déclarations empreintes d’optimisme qui font écho à celles des deux présidents les jours précédents, Vladimir Poutine évoquant vendredi « des avancées positives » dans les pourparlers et Volodymyr Zelensky notant le lendemain une « approche fondamentalement différente » de Moscou dans ces discussions.

Volodymyr Zelensky avait précisé dimanche que sa délégation avait « une tâche claire : tout faire pour assurer une rencontre des présidents. Une réunion que les gens attendent, j’en suis sûr ».

Toujours côté diplomatie, de hauts responsables américains et chinois doivent se rencontrer ce lundi à Rome, selon la Maison-Blanche qui s’inquiète d’une possible assistance de Pékin à Moscou. Le New York Times a avancé dimanche, en citant des responsables américains anonymes, que la Russie avait demandé l’aide économique et militaire de la Chine pour mener la guerre et contourner les sanctions occidentales.

« Il y aura absolument des conséquences en cas d’importantes actions visant à contourner les sanctions », a prévenu sur CNN Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président américain Joe Biden.

Si elle apporte son aide à la Russie, « la Chine s’exposerait à des sanctions substantielles et se transformerait en paria; refuser garderait ouverte la possibilité d’une coopération » avec l’Occident, a tweeté le diplomate américain Richard Haass, du think tank Council on Foreign Relations.

Dimanche soir, le camp occidental a témoigné par téléphone son soutien à Kiev. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a assuré Dmytro Kouleba de « la solidarité inébranlable des États-Unis avec l’Ukraine pour la défendre », selon son porte-parole Ned Price.

Le président français Emmanuel Macron, qui parle régulièrement avec Vladimir Poutine pour tenter de l’amener à un cessez-le-feu, s’est entretenu avec Joe Biden pour convenir de « renforcer les sanctions », puis avec Volodymyr Zelensky, selon la présidence française.

Exercice de l’OTAN

Sur le terrain, la fin de semaine a vu les bombardements russes toucher également la partie occidentale de l’Ukraine, jusqu’alors épargnée. Ils ont frappé dans la nuit de samedi à dimanche la base militaire de Yavoriv, à une vingtaine de kilomètres seulement de la Pologne, pays membre de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne, et près de Lviv, où vivent de nombreux déplacés. Une base où arrive une partie de l’aide militaire livrée par les Occidentaux à l’Ukraine.

Volodymyr Zelensky a de nouveau exhorté l’OTAN, dans la nuit de dimanche à lundi, à instaurer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de son pays, prévenant qu’à défaut l’organisation risquait de voir des « roquettes russes » tomber sur ses États membres.

L’attaque de la base est intervenue la veille du lancement en Norvège, ce lundi, de Cold Response 2022, un exercice de l’OTAN prévu de longue date et qui doit lui permettre de tester la capacité de ses membres à venir en aide à l’un d’eux. Quelque 30 000 soldats, 200 avions et une cinquantaine de navires de 27 nations seront mobilisés dans l’Arctique.

L’exercice « ne se tient pas à cause de l’attaque lancée par les autorités russes sur l’Ukraine, mais vu la toile de fond, il revêt une signification accrue », a confié le ministre norvégien de la Défense, Odd Roger Enoksen.

Le ministère russe de la Défense a justifié la frappe sur la base de Yavoriv en se félicitant que « jusqu’à 180 mercenaires étrangers et une importante quantité d’armes étrangères ont été éliminés ». Un responsable ukrainien local a affirmé que seuls des Ukrainiens avaient été tués.

Ces étrangers sont des « instructeurs », a affirmé le ministère ukrainien de la Défense, sans préciser s’ils étaient présents ou non au moment des frappes.

Dans cette région, des frappes avaient déjà visé samedi un aéroport militaire à Lutsk, tuant quatre soldats ukrainiens, puis dimanche celui d’Ivano-Frankivsk, selon son maire.

« Blocus » 

Dans le sud du pays, la Russie a resserré son étreinte, si l’on en croit le ministère britannique de la Défense, qui a tweeté que les forces navales russes avaient « établi un blocus à distance de la côte ukrainienne de la mer Noire, isolant de fait l’Ukraine du commerce maritime international ».

La ville portuaire de Mykolaïv avait encore été visée par des bombardements dimanche, faisant neuf morts, selon les autorités.

Plus à l’est, la situation reste dramatique à Marioupol, ville assiégée qui attend toujours l’arrivée d’un convoi d’aide humanitaire. Un conseiller du maire, Petro Andryushchenko, a indiqué dimanche soir à l’AFP que les véhicules avaient dû faire demi-tour à cause de tirs russes incessants. Une nouvelle tentative était prévue pour lundi.

Cette cité portuaire manque de tout, et 2 187 habitants y ont été tués depuis le début de l’offensive russe selon la municipalité.

Plus globalement à l’est, les combats restent intenses. « Combat imbriqué autour de Soumy et de plusieurs poches de résistance. Combats indécis dans la région de Kharkiv. Combats importants dans la région d’Izium au Sud-Est de Kharkiv », énumérait dimanche sur Twitter l’ancien colonel français Michel Goya.

Au nord, Kiev est désormais « une ville en état de siège », selon les mots d’un conseiller du président ukrainien. Ses habitants ont fait des provisions de vivres et de médicaments et les autorités installé des barricades, face à l’étau russe se resserrant toujours plus sur la capitale.

Dans la nuit de dimanche à lundi, l’armée de l’air ukrainienne a annoncé que des avions russes tentaient de bombarder les positions défensives ukrainiennes dans la région de Kiev.

Kiev va réclamer aux pourparlers lundi un cessez-le-feu et le retrait russe

L’Ukraine a affirmé lundi qu’elle exigerait une trêve immédiate et le retrait des forces russes lors d’une nouvelle session de négociations avec Moscou prévue par visioconférence dans la journée, près de trois semaines après le début de l’invasion.

« Nos positions n’ont pas changé : la paix, un cessez-le-feu immédiat, le retrait de toutes les troupes russes, et seulement après cela nous pourrons parler de nos relations de voisinage et de nos différends politiques », a déclaré Mykhaïlo Podoliak, un négociateur et conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans une vidéo sur Twitter.