Société civile et médias russes se sont élevés jeudi face à l’ampleur de la répression visant les partisans de l’opposant Alexeï Navalny, dossier qui sera au cœur d’une visite du chef de la diplomatie européenne à Moscou.
Josep Borrell arrive jeudi soir pour un échange le lendemain avec le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, une rencontre qui s’annonce difficile, Moscou ayant qualifié les critiques occidentales d’ « ingérence ». Alexeï Navalny a été condamné mardi à purger deux ans et huit mois de détention pour avoir enfreint un contrôle judiciaire datant de 2014. Il juge que le président Vladimir Poutine cherche ainsi à le réduire au silence, après qu’il a survécu à un empoisonnement l’été dernier.
En Russie, rédactions et ONG ont elles dénoncé en nombre la répression brutale des manifestations pro-Navalny des 23, 31 janvier et du 2 février, donnant lieu à quelque 10 000 arrestations, émaillées de violences policières filmées. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a jugé lui « justifiée » la fermeté de la police.
L’incarcération pour 25 jours de Sergueï Smirnov, rédacteur en chef du site d’informations Mediazona, pour un retweet concernant une de ces actions non-autorisées, a particulièrement choqué. Une vingtaine de rédactions ont appelé à sa libération immédiate.
Condamnations à la chaîne
« Le problème ne se limite pas à la presse. Ces dernières semaines nous sommes devenus les témoins d’actions extrêmement dures des forces de l’ordre contre les manifestants », a dénoncé jeudi le quotidien Kommersant, détenu par un homme d’affaires proche du Kremlin. « Ce n’est pas parce qu’une action est illégale et non autorisée que cela justifie le recours excessif à la force », poursuit-il.
A cause de l’ampleur de la répression, les centres de détention moscovites sont surpeuplés de suspects et de condamnés pour avoir manifesté, infraction passible de plusieurs jours ou semaines de prison. Sergueï Smirnov purge ainsi sa peine dans un centre de rétention pour migrants, faute de place ailleurs.
Un ressortissant franco-russe, Cyril Danielou, arrêté mardi soir à la sortie d’un bar et accusé à tort, selon lui, d’avoir manifesté attend son procès et a déjà passé deux nuits en détention. Il risque 15 jours de prison. Il décrit le tribunal Timiriazevski comme étant débordé et condamnant à la chaîne les prévenus. « Tout le monde prend au minimum dix jours », a relaté Cyril Danielou, excepté « un Syrien qui ne parlait pas russe, qui n’avait ni avocat ni traducteur et qui a été condamné à 15 000 roubles d’amende » (165 euros).
Les autorités russes, déjà visées par de multiples sanctions occidentales, sont elles restées sourdes à l’ensemble des critiques nationales et internationales. Le message porté par le chef de la diplomatie européenne à Moscou n’a donc guère de chance d’être entendu mais il espère néanmoins pouvoir rencontrer Navalny. « Borrell n’obtiendra rien, c’est sûr. Poutine ne montrera jamais sa faiblesse », a estimé Alexeï Malachenko, de l’Institut de recherche Dialogue entre les civilisations.
LQ/AFP