Diplomates et experts estiment que le projet phare de Jean-Claude Juncker pour endiguer la crise migratoire, avec l’ambition de répartir les réfugiés entre les 28 pays de l’UE, risque de couler devant la mauvaise volonté affichée par les États membres.
Depuis l’adoption du mécanisme en septembre pour répartir 160 000 demandeurs d’asile depuis les pays en première ligne, la Grèce et l’Italie, les pays de l’Union européenne font du sur-place : à peine 500 personnes ont profité du système en quatre mois. Architecte de ce plan, censé endiguer l’arrivée de plus d’un million de migrants sur le sol européen en 2015, le président de la Commission européenne a juré qu’il « n’abandonnerait pas ».
Mais les doutes grandissent sur les chances de succès du projet dit de relocalisation des réfugiés alors que les États traînent des pieds et que les passeurs font preuve d’une ingéniosité toujours plus grande. « Les gens craignent que le projet échoue. Certains perdent espoir et d’autres exploitent ce sentiment », confie un diplomate européen.
Plusieurs sources européennes pointent du doigt plusieurs facteurs. Certains pays comme la France, la Belgique ou la Suède veulent prendre le temps d’identifier de potentiels jihadistes parmi les arrivants après les attentats de Paris. Parmi les autres causes du retard, figurent le manque de capacité d’accueil ou d’écoles, les problèmes logistiques pour affréter des vols, voire pour certains États, le refus d’accueillir de larges populations de musulmans ou d’Africains. « Ils ne veulent pas de Noirs, pas de familles nombreuses, ils nous demandent plus de sécurité », reconnaît le ministre grec de la Politique migratoire, Yannis Mouzalas.
Les pays d’Europe de l’Est sont les plus hostiles, selon des responsables œuvrant à l’application du mécanisme de répartition, conçu pour venir en aide à ceux qui fuient la guerre en Syrie et en Irak. Ainsi le Premier ministre populiste hongrois Victor Orban a décrété que « l’islam n’a jamais fait partie de l’Europe ».
« Personne n’entrevoit la fin »
De l’autre côté, Athènes et Rome ont mal digéré les critiques jugeant « trop lente » la mise en place des hotspots, centres d’enregistrement des nouveaux arrivants chargé de distinguer les réfugiés aptes à la protection internationale des migrants économiques. « C’est le jeu des reproches », déplore Yannis Mouzalas. La Grèce, principale porte d’entrée depuis la Turquie, est la plus exposée. De nombreux États membres craignent qu’en cas d’échec à renforcer sa frontière extérieure, l’espace Schengen s’effondre, au moment où se multiplient les rétablissements de contrôles aux frontières.
« Le sentiment à Bruxelles est que ce projet ne sera jamais correctement appliqué, qu’il est trop idéaliste », admet un diplomate est-européen. En outre, alors que les violences à caractère sexuel du Nouvel an en Allemagne ont alimenté les controverses, la Commission européenne n’est pas parvenue à plaider la cause de l’intégration des réfugiés, regrette ce diplomate. « La seule chose que l’on voit en Europe centrale et de l’est, ce sont les expériences en Europe occidentale, qui sont absolument horribles, surtout de la façon dont elles sont relatées dans les médias. »
Pour le président du think tank Migration Policy Institute Europe, Demetrios Papademetriou, le peu d’empressement des gouvernements européens est dû au fait que « personne n’entrevoit la fin » de la crise migratoire.