Accueil | Dossiers | « Relocalisation » des réfugiés : la solidarité européenne malmenée

« Relocalisation » des réfugiés : la solidarité européenne malmenée

La « relocalisation » de demandeurs d’asile dans l’UE, cible du référendum organisé dimanche en Hongrie, était censée incarner la solidarité européenne, mais elle a surtout illustré jusqu’ici les divisions entre Etats membres.

A mi-parcours, quelque 5.651 personnes ont été réparties depuis la Grèce et l’Italie, leurs portes d’entrée en Europe, alors que l’objectif initial était d’en transférer 160.000 en deux ans vers d’autres pays européens.

Répartition solidaire

Ce dispositif temporaire a été adopté par l’UE en septembre 2015 pour ne pas laisser la Grèce et l’Italie gérer seules un afflux sans précédent de demandeurs d’asile sur leurs côtes, où sont arrivés en 2015 plus d’un million de migrants.

Au total, le plan prévoyait une répartition depuis ces deux pays de 160.000 demandeurs d’asile d’ici septembre 2017 vers les autres pays européens, selon des quotas tenant compte de leur taille et de leur situation économique.

Cet objectif a été révisé de fait depuis que la Commission européenne a proposé de rendre disponibles 54.000 places (sur les 160.000), dans le cadre du pacte UE-Ankara conclu en mars, pour accueillir des Syriens directement depuis la Turquie.

Les demandeurs d’asiles concernés par les relocalisations sont ceux ayant statistiquement les plus grandes chances d’obtenir un statut de réfugié. Syriens, Erythréens et Irakiens étaient notamment initialement éligibles, mais les Irakiens ne le sont plus depuis cet été.

reloc5.651 « relocalisés »

5.651 demandeurs d’asile ont été « relocalisés », dont 4.455 depuis la Grèce et 1.196 depuis l’Italie, selon des chiffres publiés mercredi, loin des objectifs initiaux. On peut y ajouter les quelque 1.614 Syriens réinstallés directement depuis la Turquie.

La France est le pays qui a pour l’heure relocalisé le plus de personnes (1.952), tandis que l’Autriche et la Hongrie sont les deux seuls n’ayant notifié aucune place disponible.

Mais la Commission, qui a maintes fois pressé les Etats membres d’accélérer le rythme, a préféré saluer mercredi les « progrès importants » réalisés ces derniers mois et estimé « possible » de relocaliser environ 30.000 personnes depuis la Grèce d’ici fin 2017.

Cela correspond selon Bruxelles au nombre de migrants en Grèce considérés comme éligibles au plan, soit environ la moitié des migrants qui y sont bloqués. En Italie, quelque 5.000 candidats érythréens sont eux en attente d’une relocalisation, selon la Commission.

Quels blocages?

Proposé par la Commission, le plan de relocalisation a été adopté par les Etats membres par un vote à la majorité qualifiée, qui l’a rendu obligatoire y compris pour ceux qui ont voté contre (Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Roumanie).

Ces pays estiment que leurs sociétés ne sont pas prêtes à accueillir autant d’étrangers, qui plus est musulmans, et contestent le fait qu’on leur ait imposé ce plan. Même dans certains pays qui ne s’y sont pas opposés, la mise en oeuvre est poussive, dans un contexte de montée des discours anti-migrants.

Parmi les freins aux relocalisations, la Commission a également plusieurs fois reproché à Rome une coopération insuffisante avec les autres pays sur les questions liées à la sécurité. Mais les transferts depuis l’Italie « devraient pouvoir s’accélérer rapidement », a-t-elle estimé mercredi dans un rapport.

Un plan menacé?

Les 4 pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque, Pologne) font une intense campagne pour imposer leur concept de « solidarité flexible », selon lequel chaque pays devrait pouvoir choisir comment contribuer à l’effort collectif face à la charge migratoire.

Budapest et Bratislava ont même attaqué le plan de « relocalisation » devant la Cour de justice de l’UE, où l’affaire est en cours, estimant qu’il était abusif de l’avoir rendu obligatoire.

Dans ce contexte, une récente déclaration du président de la Commission Jean-Claude Juncker, estimant que la solidarité « ne peut pas être imposée », a semé le doute.

Mais « les décisions prises sur la +relocalisation+ sont du droit européen maintenant, ça ne changera pas », assure une source dans son entourage, rejetant toute remise en cause du caractère obligatoire des relocalisations.

Vers une nouvelle approche

En revanche, décrypte cette même source, l’exécutif européen veut montrer qu’il tiendra compte à l’avenir des réticences de certains pays, dans le cadre de la réforme prévue des règles dite de Dublin sur l’asile.

Le plan de « relocalisation » est une dérogation temporaire, jusqu’en septembre 2017, à ces règles, qui confient principalement aux pays de première entrée dans l’UE la responsabilité d’une demande d’asile.

Pour l’avenir, la Commission a déjà mis sur la table un nouveau système qui maintiendrait ce principe en temps normal, mais qui déclencherait une nouvelle répartition automatique de demandeurs d’asile dans l’UE en cas d’afflux exceptionnel dans un pays, comme en Grèce en 2015.

La Commission souhaitait que les pays refusant cet accueil aient à verser une forte compensation financière, mais elle est désormais prête à débattre d’autres formes de contributions, comme une participation accrue à la protection des frontières extérieures.

Le Quotidien / AFP