Le monde politique, tous partis confondus, s’efforce de rebondir et de mobiliser lundi après le choc d’un premier tour des régionales et départementales déserté par deux électeurs sur trois, une abstention « abyssale » qui a profité aux présidents de région sortants, de droite comme de gauche.
Les tractations commencent, et s’étaleront jusqu’à mardi à 18h, pour négocier des alliances, fusions ou retraits de listes pour le second tour, notamment en PACA, région où le RN est le mieux placé. Pour le parti de Marine Le Pen, que les sondages annonçaient en tête dans plusieurs régions, la désillusion est sévère. Le Rassemblement national perd neuf points par rapport à 2015.
Reconnaissant que ses électeurs ne s’étaient « pas déplacés », la candidate à la présidentielle de 2022 a appelé « au sursaut » pour le second tour. Dans le canton du Pas-de-Calais où elle se présentait elle-même aux départementales, elle a obtenu dimanche 61% des voix, mais n’est pas élue, le taux d’abstention de 66,4% étant aussi élevé que la moyenne nationale.
Également en retrait, les candidats de la majorité présidentielle ne totalisent que 11,5% des suffrages selon Ipsos, un score qui confirme la faible implantation locale de LREM.
Résistance du duo gauche-droite
L’abstention atteindrait entre 66,1% et 68,6% selon les estimations, soit un record tous scrutins confondus en France hors référendum. Jusqu’à présent, l’abstention la plus élevée pour un premier tour des régionales datait de 2010 avec 53,67%.
L’abstention, « abyssale », est « en partie liée à la situation sanitaire », a plaidé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, ajoutant qu’elle « doit tous nous alerter ». Dans ces conditions, difficile de tirer des enseignements nets de ce scrutin local, dont les analystes disaient dès dimanche soir qu’il était « en trompe-l’œil ».
« Il n’est pas évident » que le résultat « corresponde à une réalité du pays. C’est la part la plus légitimiste de l’électorat français, très souvent un électorat plus âgé que la moyenne », qui s’est déplacé, jugeait ainsi Stéphane Zumsteeg (Ipsos).
Le premier tour est marqué par la résistance du duo gauche-droite, la première totalisant 34,4% des suffrages et la seconde 28,7%, selon les estimations de l’Ifop. Les deux grands partis traditionnels bénéficient à plein de la « prime aux sortants », qui ont été à la manœuvre lors de la crise sanitaire. Cela permet à la droite d’espérer pouvoir conserver ses sept régions et la gauche ses cinq en France métropolitaine.
Malgré la mobilisation de cinq ministres, dont Eric Dupond-Moretti, la macronie est ainsi éliminée dès le premier tour dans les Hauts-de-France, où Xavier Bertrand (ex-LR) est en très bonne posture pour conserver la région, un succès dont il compte faire une rampe de lancement pour 2022. Selon les estimations, il réunirait entre 39% et 46,9% des voix, très loin devant son concurrent du RN Sébastien Chenu (22,5% à 24,4%). Même scénario pour le président d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez (LR), donné à plus de 45%, avec plus de 30 points d’avance sur la candidate des Verts Fabienne Grébert ou le prétendant du RN Andrea Kotarac.
Coude-à-coude en Paca
Autre candidate potentielle en 2022, Valérie Pécresse (ex-LR) arrive largement en tête en Ile-de-France (autour de 35%), mais reste sous la menace d’une hypothétique union des candidats de gauche (Julien Bayou, Clémentine Autain, Audrey Pulvar) qui va focaliser l’attention dans les prochaines heures.
En Paca, le suspens reste de mise. Le sortant LR Renaud Muselier et Thierry Mariani sont donnés au coude-à-coude, entre 30 et 35%, selon différents sondages. Le troisième homme Jean-Laurent Felizia (EELV/PS/PCF), positionné entre 14 et 18%, a dit vouloir se maintenir au second tour mais le le bureau exécutif d’EELV a décidé de lui retirer son soutien pour faire barrage au RN.
La droite peut se réjouir de voir sortir en tête Jean Rottner dans le Grand Est, Christelle Morançais dans les Pays de la Loire et Hervé Morin en Normandie.
A gauche, les sortants prennent également une option, comme Carole Delga (PS/PCF) en Occitanie, donnée autour de 40%, ou Alain Rousset (PS) en Nouvelle-Aquitaine, tandis qu’en Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay (PS) parvient à devancer d’une courte tête le RN Julien Odoul (26% contre 24%).
« Offre politique illisible »
Le jeu est très ouvert en Bretagne, où le socialiste Loïg Chesnais-Girard arrive légèrement en tête, et dans le Centre-Val-de-Loire, où François Bonneau (PS) devra négocier serré avec le candidat EELV/LFI Charles Fournier pour conserver sa région.
Enfin, en Corse, le président sortant de l’exécutif corse, l’autonomiste Gilles Simeoni, devra faire le plein des voix nationalistes pour battre la liste de droite menée par le maire d’Ajaccio Laurent Marcangeli, qu’il devance d’une courte tête, selon les sondages.
Pour les départementales, un scrutin resté à l’ombre des régionales, la stabilité était attendue, avec une large majorité pour la droite, selon l’Assemblée des départements de France. « Il ne faut pas tirer de leçons pour la présidentielle », considère le politologue Gérard Grunberg, pour qui « ces régionales sont la réplique des municipales », avec pour l’essentiel « une prime aux sortants ». La spécialiste de l’abstention Céline Braconnier a surtout retenu « une journée très très problématique du point de vue de la démocratie représentative » à cause de l’abstention, qui traduit à ses yeux une « offre politique illisible ».
LQ/AFP