Arrestations, perquisitions, pleurs d’un témoin-vedette: les Espagnols ont vécu cette semaine de nouveaux épisodes du feuilleton de la corruption qui sape le parti conservateur au pouvoir depuis 2011, sans menacer son chef Mariano Rajoy.
Rajoy a bien été cité mardi à comparaître comme témoin dans un procès pour corruption, une première pour un chef de gouvernement en exercice dans l’histoire récente de l’Espagne, mais rien ne lui est reproché personnellement.
Il devra déposer, à une date encore indéterminée, dans un procès retentissant sur des détournements de dizaines de millions d’euros par d’anciens membres de son Parti populaire (PP). Une autre enquête est en cours sur le financement illégal du parti.
Ces dernières années, des enquêtes ont décapité le PP dans les régions méditerranéennes des Baléares et de Valence et, ce mois-ci, de Murcie.
Mercredi, la police a procédé à 12 arrestations à Madrid, dont des cadres du PP soupçonnés d’avoir détourné des fonds publics, puis mené jeudi des perquisitions dans des entreprises qui auraient versé des pots-de-vin au parti en échange de contrats.
Dans le même temps, Esperanza Aguirre, ancienne présidente de la région de Madrid (2003-2012), figure flamboyante du parti, affirmait en pleurs devant les caméras tout ignorer des malversations dont sont accusés ceux qui furent ses plus proches conseillers, inculpés ou en prison.
Les rebondissements presque quotidiens des nombreuses et interminables enquêtes en cours ont coûté à Mariano Rajoy sa majorité absolue au Parlement, perdue en décembre 2015.
Deux nouveaux partis, Podemos de gauche radicale et les libéraux de Ciudadanos avaient fait campagne contre la corruption pour entrer au parlement.
Mais leur incapacité à s’entendre et à s’allier au Parti socialiste (PSOE), adversaire traditionnel du PP, ont permis à Mariano Rajoy de se maintenir au pouvoir, cette fois à la tête d’un gouvernement minoritaire, depuis octobre.
Les derniers scandales ne le menacent pas dans l’immédiat, estime José Pablo Ferrandiz, de l’institut de sondages Metroscopia. « Il a la chance de ne pas devoir affronter d’élections à court terme ».
« Mais ce qui est sûr, c’est que s’il était tenté de convoquer des élections anticipées, il ne le fera pas maintenant. Il devra aller jusqu’au bout de son mandat pour tenter de redorer son blason ».
Les sondages les plus récents donnent des intentions de vote inchangées par rapport aux dernières élections, le PP restant en tête aux alentours de 33%, ajoute-t-il.
« Le PP a l’avantage sur les autres partis que son électorat a accepté les soupçons qui pèsent contre lui, un peu comme dans le Parrain: +ce sont des fils de p… mais ce sont nos fils de p…+ », affirme Fernando Vallespin, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Madrid.
L’opposition est divisée. Le PSOE, lui-même éclaboussé par la corruption, est en pleine guerre des chefs avant l’élection d’un nouveau secrétaire général. Ciudadanos, qui soutient le PP à la chambre tout en le critiquant, est comme chien et chat avec Podemos.
« S’il y avait un consensus, peut-être que l’un ou l’autre oserait déposer une motion de censure », remarque Fernando Vallespin.
Le PP se défend en rappelant qu’il a voté seul des lois contre la corruption quand il avait la majorité absolue. Il fait valoir que la multiplication des mises en examen de ses membres prouve l’indépendance de la justice.
Mais Mariano Rajoy insiste surtout sur le redressement économique de l’Espagne sous sa direction: baisse du chômage et reprise de la croissance. Il s’est même payé le luxe jeudi d’annoncer un relèvement de la prévision de croissance pour cette année, de 2,5 à 2,7%, plus du double de la moyenne de la zone euro.
Le Quotidien / AFP