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Qui a voté pour Donald Trump, et pourquoi


Des partisans de Donald Trump, le 13 octobre à Cincinnati dans l'Ohio. (photo AFP)

Ouvriers blancs derrière Donald Trump, minorités et femmes derrière Hillary Clinton? Des sondages sortie des urnes et des témoignages recueillis permettent en fait de dresser des portraits-types beaucoup plus nuancés, avec des lignes de fracture qui rappellent celles du Brexit.

Donald Trump a-t-il effectivement « cartonné » chez les hommes blancs de condition modeste?

C’est ce qui ressort de l’analyse des sondages sortie des urnes de la chaîne ABC: M. Trump l’a effectivement largement emporté auprès des hommes sans diplôme supérieur. Mais son électorat est bien plus large que cela: le bouillonnant magnat de l’immobilier a eu l’avantage auprès de l’électorat blanc en général, s’arrogeant la même marge confortable (+ 20 points) que le républicain Mitt Romney en 2012, selon l’institut d’analyse Pew.

Cet électorat a été séduit par son refrain sur le ras-le-bol de la classe politique, à l’instar du docteur Rolando Chumaceiro, de la banlieue aisée de White Plains, dans l’Etat de New York: « Mme Clinton vient de l’establishment, c’est toujours le même vieux gouvernement, on n’a plus besoin de ça », a-t-il indiqué.

Hillary Clinton a-t-elle emporté haut la main l’électorat féminin?

Les nombreux dérapages de Donald Trump sur les femmes et le scandale provoqué par une vidéo de 2005 dans laquelle il se vantait de pouvoir les harceler sexuellement en toute impunité, auraient pu le laisser supposer. Si Hillary Clinton a bien emporté une majorité de l’électorat féminin (54 pc contre 42 pc pour Donald Trump), l’avantage n’est pas plus large qu’il ne l’avait été en faveur de Barack Obama en 2008 et 2012.

« Non seulement Hillary n’a pas bénéficié d’une vague féministe, mais Trump n’a pas été handicapé par sa misogynie. Les femmes ne l’ont pas abandonné en masse », explique Sam Abrams, professeur en sciences politiques au collège Sarah Lawrence.

« On a beaucoup parlé des femmes, et je n’approuve pas l’attitude de Trump dans ce domaine. Mais mon principal souci a été la stabilité économique et c’est Trump qui pouvait nous l’apporter », expliquait ainsi mardi Jane Wheeler, originaire de la ville de Lubbock, au Texas.

Quid des minorités noire et hispanique qui étaient l’un des atouts d’Hillary?

L’ex-secrétaire d’Etat a certes emporté une écrasante majorité de voix dans ces communautés, avec un écart de 80 points en sa faveur chez les Noirs. Mais elle est restée loin des records de Barack Obama en 2008 (91 points) et 2012 (87 points), selon l’institut d’analyse Pew, l’enthousiasme suscité par le premier président noir lui ayant cruellement fait défaut.

Les Hispaniques eux ont battu des records de participation. Et malgré les propos parfois incendiaires de Donald Trump sur les Mexicains, près de 30% des Hispaniques lui ont donné leur voix, soit deux points de plus que pour Mitt Romney en 2012, un résultat « surprenant, voire choquant », selon David Cohen, professeur à l’Université d’Akron (Ohio), qui souligne cependant la difficulté d’analyser un vote latino très hétérogène.

Y a-t-il un décalage entre villes et campagnes?

Les sondages sortie des urnes montrent que Hillary Clinton a engrangé ses meilleurs scores dans les grandes zones urbaines comme Philadelphie ou Atlanta, alors que les régions moins urbaines de ces Etats votaient massivement pour Donald Trump.

« C’est un peu comme pour le Brexit », estime Sam Abrams. « Il y a un monde hors des côtes Est et Ouest auquel personne ne veut s’intéresser. C’est la fracture ville/campagne, qui est plus prononcée que jamais. Ce n’est pas une opposition entre des zones rurales blanches et des villes plus mélangées, car les zones rurales sont aussi mélangées ethniquement, c’est l’économie des services et de la connaissance vers laquelle nous avons basculé: les emplois qui paient bien sont dans les grandes villes, et pour eux l’ascenseur social fonctionne. »

En revanche, dans les zones moins urbaines, les gens rament financièrement, alimentant un mécontentement dont M. Trump s’est fait le porte-drapeau.

Comment ont voté les jeunes?

Ils n’ont pas voté massivement. Et même s’ils ont voté majoritairement pour Mme Clinton, selon l’institut Pew, là encore l’écart a été moins favorable que pour M. Obama en 2012.

« Le problème est qu’Obama avait suscité beaucoup d’enthousiasme chez les jeunes, mais pour beaucoup les résultats n’ont pas été au rendez-vous », souligne Sam Abrams. « Ensuite, beaucoup se sont mobilisés pour (le rival malheureux de Mme Clinton pour la nomination démocrate) Bernie Sanders, qui a disparu de la course. Or, une fois que les jeunes se désengagent, on sait que c’est très difficile de les faire revenir. »

Kay James, venue de Géorgie pour sa première année d’études à New York University, a voté pour la première fois mardi, pour Hillary Clinton.

« J’étais si excitée », confiait-elle mercredi matin. « Et maintenant je suis terrifiée à l’idée que quelqu’un qui soit si ouvertement raciste et anti-femmes puisse diriger un pays libre. »

Le Quotidien / AFP