Accueil | Monde | Quel locataire à Matignon ? Les options d’Emmanuel Macron II

Quel locataire à Matignon ? Les options d’Emmanuel Macron II


Photo AFP

Une femme à Matignon ? Au profil « techno » ou politique ? Une seule certitude, Emmanuel Macron prend son temps pour désigner son prochain Premier ministre, avec plusieurs équations possibles à l’orée de son second quinquennat.

Le futur chef du gouvernement sera « attaché à la question sociale, à la question environnementale et à la question productive », a-t-il seulement esquissé.

Et il devra s’attaquer à une fracture sociale de plus en plus béante, un électeur sur deux ayant opté pour les extrêmes au premier tour de la présidentielle.

Priorité à une femme

Une femme aurait sa préférence, selon des proches. Mais le casting n’est pas si simple. La ministre du Travail Elisabeth Borne, régulièrement citée, reste peu connue des Français.

« Elle coche des cases. Mais est ce qu’elle envoie un message politique ? », s’interroge un membre du gouvernement. Ce scénario est « devenu tellement insistant » qu’il apparaît de plus en plus improbable, relève un autre.

Approchée au lendemain du second tour, Véronique Bédague, ex-directrice de cabinet du Premier ministre Manuel Valls devenue DG du groupe immobilier Nexity, n’a pour sa part pas donné suite, selon une information du Parisien.

La présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, rompue aux questions budgétaires, n’est pas candidate, jugeant que la retraite à 65 ans met trop le « curseur à droite », selon BFM-TV.

Le nom de la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais (Les Républicains), gagne en audience. « Je n’y crois pas du tout », lance toutefois un ministre.

Sont aussi citées Catherine Vautrin, ex-ministre de la Cohésion sociale de Jacques Chirac et présidente de la communauté urbaine du Grand Reims. Et l’ex-ministre de l’Écologie de Nicolas Sarkozy, Nathalie Kosciusko-Morizet (« NKM »). Sans faire l’unanimité.

« Une seule étoile peut briller »

La tentation d’un chef de gouvernement « techno », connaissant bien l’appareil d’État et sans ambition politique, pourrait être grande.

Après deux mandats, Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027. Le risque est grand qu’un Premier ministre trop politique n’ait rapidement d’autres ambitions et ne lui fasse de l’ombre.

« Comme le disait Chateaubriand à propos de Bonaparte, il ne peut y avoir qu’une seule étoile qui brille dans le ciel », souligne Gaspard Gantzer, ex-conseiller du président François Hollande et spécialiste de communication politique.

Dans la galaxie « techno », Emmanuel Macron pourrait opter pour le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, dont il est proche ou le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, au cœur de tous les arbitrages du premier quinquennat.

Un fusible politique

Face à un front social qui s’annonce agité, de la réforme des retraites à la défense du pouvoir d’achat, « il faut quelqu’un de politique ! », insiste pour sa part un ministre, à l’unisson d’autres membres de la majorité.

« Quelqu’un de prêt à sauter dans six mois, car avec les réformes sociales, ça va être dur », ajoute-t-il. Bref, un fusible qui protègerait le président.

Pour le directeur des études politiques de l’institut Kantar, Emmanuel Rivière, le Premier ministre devra aussi apporter « un peu d’apaisement » et compenser l’image d’Emmanuel Macron, jugé « trop peu à l’écoute et parfois méprisant » dans l’opinion.

Un chef de gouvernement à droite, comme le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, lui permettrait de parachever son entreprise de siphonnage des Républicains.

Cela présenterait aussi l’avantage de perturber la montée en puissance d’Edouard Philippe qui a quitté Matignon auréolé d’une popularité supérieure à celle du chef de l’État en 2020.

Mais les attentes de l’opinion sont aussi très fortes sur le pouvoir d’achat et l’écologie, ce qui pourrait justifier un « rééquilibrage à gauche », estime Emmanuel Rivière.

La tête d’affiche sera toutefois difficile à trouver de ce côté-là, observe un conseiller de l’exécutif. Y compris chez Europe Écologie-Les Verts (EELV) avec lesquels le « schisme sur le nucléaire » est profond, renchérit un cadre de la majorité proche du président.

Le candidat des Verts à la présidentielle, Yannick Jadot, n’a « pas l’épaisseur technique » pour un tel poste, estime Gaspard Gantzer.

Reste Pascal Canfin, président de la commission environnement au Parlement européen. « C’est quand même lui qui a théorisé la planification écologique », nouveau credo du président, relève le cadre de la majorité.

À quand la fumée blanche ?

« Je pense que le président de la République a en tête et son Premier ministre et son gouvernement. Il joue uniquement avec le calendrier. Il veut une campagne courte », analyse un ministre.

Contrairement à 2012 et 2017, les législatives n’interviendront que sept semaines après la présidentielle. De quoi casser l’élan que le nouveau gouvernement est censé insuffler en ce début de quinquennat Macron II. Le président a donc tout intérêt à temporiser.