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Quand la jeunesse dorée d’Athènes place son argent au Luxembourg


Des gens sont assis dans l'un des cafés sur la place Mavili dans le centre d'Athènes, le 17 Juillet. Les étudiants des plus prestigieux établissements d'Athènes aime se rencontre ici, loin de la crise économique. (photo AFP)

Ils ont entre 30 et 40 ans, pas d’enfants, ont hérité de la fortune familiale ou travaillent dans de grandes entreprises. Attablés sous une épaisse pergola, une bande d’amis grecs discutent de l’avenir de leur pays et… de la meilleure manière d’en sortir son argent.

La chaleur est encore lourde en ce début de soirée. Avachi sur sa chaise, un verre de vin frais à la main, Alexis se redresse brutalement pour embrasser son ex-petite amie, Liana, qui vient de débarquer avec sa « paréa » (bande) dans l’un des cafés de la place Mavili.

La jeunesse dorée, celle qui a fréquenté les établissements prestigieux de la capitale, le Collège d’Athènes, l’Ecole Moraïti ou le lycée français, aime à se donner rendez-vous sur cette place ombragée, voisine de l’ambassade américaine et bordée par la bruyante avenue de la Reine Sophie.

Sur la terrasse du café Flower, les tablées s’agrandissent au fil des arrivées; on s’interpelle d’une table à l’autre, on déménage sa chaise et son verre, on pioche dans les nombreuses assiettes de « mezzedes » commandés pour être partagés, tout en parlant, buvant et fumant beaucoup.

Inconvénient des cafés branchés: les tomates sont sans saveur et la portion de feta parfaitement rectangulaire trahit la fabrication industrielle. Mais la note est salée: le double de la normale pour une classique « salade grecque ». En ces temps-ci, la conversation roule forcément sur « O (le) Tsipras ». En grec, on met « le » ou « la » devant tous les noms propres.

« Les mecs, c’est des idéologues »

Ce fils d’une grande famille grecque – dont l’arrière-grand-père fut un grand mécène à une époque où le financement de l’État reposait sur de grandes fortunes privées – a hérité d’une immense propriété à deux heures d’Athènes dont il finance l’entretien en y louant des chambres. Il a aussi tenté de s’improviser agriculteur, sans trop de succès pour le moment.

« Heureusement, j’ai tout sorti, quinze jours avant le capital control. C’est ma banquière – une copine – qui m’a encouragé à le faire », témoigne ce russo-franco-hellène, récemment divorcé d’une Américaine. « Tous les gens que je connais ont sorti leur fric de Grèce. Pas tout de suite après la victoire de Syriza. Ils ont attendu de voir ce qui allait se passer. Mais dès février, ils ont compris que les mecs, c’est des idéologues… », justifie-t-il.

De fait, une trentaine de milliards d’euros ont été retirés des banques depuis octobre, et les sorties n’ont fait que s’accélérer jusqu’à l’instauration du contrôle des capitaux le 29 juin. A raison, pour la seule journée du jeudi 18 juin, par exemple, d’un milliard d’euros, selon des sources bancaires.

Alexis, sur les conseils de sa banquière, a souscrit des parts dans un fonds commun de placement basé au Luxembourg. Un produit qui lui permettra de retirer son argent quand – et où – il le souhaitera.

« Bien sûr », Liana aurait fait la même chose si elle avait eu assez d’argent sur son compte. Cette fille de la classe moyenne, employée d’une firme pharmaceutique grecque, s’estime déjà chanceuse d’avoir un travail stable. Seulement, « il y a dix ans, j’imaginais qu’à l’âge que j’ai aujourd’hui, je serais plus avancée dans la vie », soupire cette célibataire de 36 ans, qui, comme beaucoup de Grecs trentenaires, attend que la situation s’améliore pour envisager un enfant.

Quand on lui demande ce qu’il a fait de son argent, Giorgos, qui dirige la petite maison d’édition familiale, botte en touche. « Mais pour la première fois de ma vie, je suis à jour de mes impôts, je ne dois rien à l’État », glisse-t-il dans un sourire. Sursaut civique ou réflexe défensif, les impôts ne sont en effet jamais aussi bien rentrés en Grèce que début juillet.

 

AFP