Rui Pinto, source des révélations des « Football Leaks » dont le procès s’ouvre vendredi à Lisbonne, est un jeune « hacker » qui fait valoir son rôle de lanceur d’alerte contre ceux qui dénoncent ses méthodes de maître-chanteur.
« Je suis prêt à me battre pour montrer à tout le monde que je suis un lanceur d’alerte », a confié au magazine allemand Der Spiegel celui qui se faisait appeler « John » pour cacher son identité aux journalistes à qui il livrait les secrets du foot-business international.
Petit gabarit à l’air juvénile et aux cheveux bruns hérissés, décrit par ses proches comme « sociable et joyeux », le Portugais de 31 ans doit répondre de 90 chefs d’accusation, qui vont de la tentative d’extorsion au piratage informatique. En même temps, sa coopération avec la justice portugaise sur d’autres dossiers lui a permis d’obtenir un statut de témoin protégé.
C’est donc un homme à plusieurs facettes qui prendra place sur le banc des accusés, lors d’un procès entouré de mesures de sécurité en raison des menaces dont il fait l’objet. Démasqué et arrêté début 2019 à Budapest, où il s’était installé quatre ans plus tôt, Rui Pinto a été extradé vers son pays et placé en détention provisoire, avant d’être assigné à résidence puis libéré début août.
Un autodidacte qui apprend vite
Pendant des études d’histoire qu’il ne terminera pas, Rui Pinto découvre la Hongrie lors d’un séjour Erasmus et décide de s’y installer. Il gagne alors sa vie en aidant son père dans le commerce d’antiquités. Fan du FC Porto, il créé fin 2015 le site internet « Football Leaks ». Les premiers documents confidentiels publiés concernaient des contrats de joueurs et d’entraîneurs appartenant au club Sporting Portugal et à la société Doyen Sports, un fonds d’investissement basé à Malte aux pratiques controversées. A partir de 2016, « John » confie des millions de documents à un consortium de médias européens qui a révélé des mécanismes d’évasion fiscale, des soupçons de fraude et de corruption mettant en cause plusieurs joueurs vedettes et dirigeants de clubs. Il faudra attendre encore trois ans pour qu’il sorte de l’anonymat lors d’un entretien accordé à ces médias pour expliquer qu’il souhaitait démasquer les dessous de « l’industrie du football malhonnête ». Parmi les nombreux dossiers qui lui sont imputables : les ennuis fiscaux de Cristiano Ronaldo liés à son passage au Real Madrid.
Le natif de Vila Nova de Gaia, dans la banlieue de Porto, n’a pas de formation avancée en informatique. C’est donc en autodidacte qu’il aurait réalisé son premier piratage à l’âge de 23 ans, en volant 300 000 euros à une banque basée aux îles Caïman. Il nie cette accusation de vol et précise avoir conservé des données montrant comment les Iles Caïman ont été utilisées pour « le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale ».
En janvier dernier, il a frappé un nouveau coup en revendiquant la fuite de documents compromettants pour la milliardaire angolaise Isabel dos Santos. Lors du procès qui s’ouvrira vendredi, Rui Pinto se défendra surtout d’avoir tenté de faire chanter le patron du fonds d’investissements Doyen Sports, son compatriote Nélio Lucas. « Je regrette d’avoir pris contact avec Nélio Lucas. J’étais naïf à l’époque », a-t-il expliqué dans son entretien à Der Spiegel en réaffirmant avoir lui-même renoncé à réclamer entre 500 000 et un million d’euros à Doyen pour cesser de publier des documents gênants.
Au Portugal, le crime de tentative d’extorsion, le plus grave des chefs d’accusation retenus contre Pinto, est passible d’une peine allant jusqu’à 10 ans de prison.
LQ/AFP