Au terme d’un féroce réquisitoire contre « l’appât du gain » et le « cynisme » de l’ancien Premier ministre français François Fillon, le parquet national financier a demandé mardi cinq ans de prison, dont deux ferme, à son encontre, estimant que les emplois de son épouse Penelope étaient « fictifs ».
Au terme de plus de quatre heures d’un réquisitoire à deux voix devant le tribunal correctionnel, l’un des deux procureurs du parquet national financier français, Aurélien Létocart, a appelé le tribunal correctionnel à rendre « une décision à la hauteur de la légitime exemplarité attendue d’un prétendant à la magistrature suprême ». Dénonçant le « profond sentiment d’impunité » de l’ancien champion de la droite française à la présidentielle 2017, le « cynisme » « d’un homme qui a fait de la probité une marque de fabrique », l’accusation a également demandé contre François Fillon, 65 ans, retraité de la politique, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité.
Contre Penelope Fillon, 64 ans, « victime en quelque sorte consentante des agissements de son mari », trois ans avec sursis et la même amende maximale ont été requis. Elle avait touché 613 000 euros d’argent public pour trois contrats d’assistante parlementaire entre 1998 et 2013, auprès de son mari député et du suppléant de celui-ci dans la Sarthe, Marc Joulaud. Les procureurs ont enfin requis deux ans avec sursis et 20 000 euros d’amende contre M. Joulaud, actuel maire de la ville de Sablé-sur-Sarthe (ouest) en campagne pour sa réélection.
« Caractère fictif et artificiel » des activités de Mme Fillon
Dans l’après-midi, Aurélien Létocart avait longuement égrené ce qui constitue pour le PNF les preuves du « caractère fictif et artificiel » des activités de Mme Fillon dans le principal volet du procès: les soupçons de détournement de fonds publics entourant ses emplois de collaboratrice parlementaire. Un travail tellement « impalpable, désincarné » que Mme Fillon ne prenait ni congés maternité ni congés payés, qu' »aucune trace » n’a été retrouvée des mémos et fiches qu’elle était censée préparer pour son mari et qu’elle est « incapable » d’en donner des exemples précis. Pour le parquet, « les habitudes de captation des reliquats d’argent public » dans l’enveloppe dédiée au « crédit collaborateur » « ont été prises dès le début de la carrière politique de François Fillon » en 1981.
Aurélien Létocart avait entamé le réquisitoire avec les mots de l’ex-député, prononcés en 2012: « Il y a injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et perçoivent de l’argent public ». François Fillon, dont la campagne présidentielle avait été phagocytée par cette affaire, « ne doit ses déboires politiques qu’à ses propres turpitudes », a asséné le magistrat. Vilipendant la « stratégie de défense » de François Fillon consistant à « distiller le poison du soupçon » contre la justice, Aurélien Létocart a estimé qu’une « telle stratégie sonne toujours, toujours comme un aveu ». La défense plaidera la relaxe mercredi.
AFP