« Hasta la victoria siempre » promet le pouvoir, « Jusqu’au bout » jure l’opposition : quelque 21 millions de Vénézuéliens votent dimanche lors d’une élection présidentielle tendue entre le président sortant Nicolas Maduro, qui brigue un troisième mandat de six ans et le diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia.
Les 30 000 bureaux de vote resteront ouverts jusqu’à 18 h 00 (minuit heure de Luxembourg) avec des résultats attendus dans la nuit.
Les deux camps sont persuadés de l’emporter. Les experts jugent que la participation est un des éléments clés du scrutin, l’opposition ayant besoin d’une forte mobilisation pour l’emporter.
« Je reconnais et je reconnaîtrai l’arbitre électoral, les communiqués officiels et je les ferai respecter », a déclaré Nicolas Maduro après avoir voté à Caracas, alors que l’opposition craint des fraudes ou une manipulation.
« Je demande aux dix candidats à la présidence (…) de respecter, de faire respecter et de déclarer publiquement qu’ils respecteront le communiqué officiel du Conseil national électoral », a ajouté Nicolas Maduro.
Des files d’attente se sont formées devant plusieurs bureaux de vote. « Je suis ici depuis 4 h 30 du matin, j’espère que la journée sera fructueuse et que l’option pour laquelle je suis venue voter, à savoir Edmundo González Urrutia, triomphera. J’espère qu’il y aura de la démocratie » au Venezuela, a affirmé Griselda Barroso, 54 ans, avocate.
« On respire la patrie, on respire l’amour, la fraternité (…) Nous sortons pour défendre le vote parce que notre président (Maduro) sera à nouveau à la présidence », a dit un électeur pro-pouvoir à Caracas.
Dix candidats sont en lice mais le scrutin se résume à un duel entre Nicolas Maduro, 61 ans, qui brigue un troisième mandat de six ans, et le discret Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, qui a remplacé au pied levé la charismatique cheffe de l’opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible.
Les sondages donnent l’opposition largement en tête, mais certains observateurs assurent que la lutte est serrée. S’appuyant sur d’autres chiffres, le régime affirme être confiant en sa victoire.
Héritier d’Hugo Chavez, ancien président d’inspiration socialiste de 1999 jusqu’à sa mort en 2013, Nicolas Maduro, qui s’appuie sur l’armée et un harcèlement policier de l’opposition, promet régulièrement qu’il ne cédera pas le pouvoir, prédisant le chaos sans lui.
Crise du pétrole
« L’avenir du Venezuela pour les 50 prochaines années se décide le 28 juillet, entre un Venezuela de paix ou de violences. Paix ou guerre », a-t-il lancé, après avoir évoqué un possible « bain de sang dans une guerre civile fratricide provoquée par les fascistes ».
Ces propos ont « effrayé » le président brésilien Lula pour qui « Maduro doit apprendre que quand on gagne, on reste (au pouvoir). Quand on perd, on s’en va ».
Dimanche « sera sans aucun doute l’expression démocratique du peuple la plus importante de ces dernières années », a affirmé samedi Edmundo Gonzalez Urrutia, invitant les « citoyens à se rendre dans leur bureau de vote à la fin de la journée et à constater la netteté des résultats obtenus ».
« Il y a un mouvement pour le changement », souligne Luis Salamanca, professeur de l’université centrale du Venezuela. Dans des conditions « normales » de vote, « il y aura une victoire extrêmement large de l’opposition ».
La plupart des sondeurs estiment que Nicolas Maduro ne dépassera pas les 30 % et situent l’opposition entre 50 et 70 %.
Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d’Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique sans précédent.
Conséquence d’une mauvaise gestion et de la corruption, la production pétrolière s’est effondrée passant de plus de trois millions de barils/jour à un peu moins de 1 million. Le PIB s’est réduit de 80 % en dix ans avec une hyperinflation qui a obligé les autorités à dollariser partiellement l’économie.
Attitude de l’armée
Sept millions de Vénézuéliens – un quart des habitants – ont fui le pays. La grande partie de ceux qui sont restés vit dans la pauvreté, avec des systèmes de santé et d’éducation dans un état de délabrement complet.
Le pouvoir accuse le « blocus criminel » d’être à l’origine de tous les maux. Les États-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d’évincer Nicolas Maduro après sa réélection contestée de 2018, lors d’un scrutin entaché de fraudes selon l’opposition, et qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées.
Washington a tenté de forcer Nicolas Maduro à des élections « démocratiques et compétitives » sans infléchir Caracas, qui a confirmé l’inéligibilité de Maria Corina Machado, retiré son invitation à l’Union européenne pour observer le scrutin et empêché d’entrer dans le pays d’anciens présidents latino-américains invités par l’opposition.
Dans le même temps, la Maison-Blanche, désireuse de relancer la production vénézuélienne dans un contexte de tension sur le brut avec les crises ukrainienne et au Moyen-Orient, a ouvert la porte avec des autorisations d’exploitation pour des compagnies pétrolières étrangères.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a souligné dimanche que « le peuple vénézuélien mérite une élection qui reflète réellement sa volonté, à l’abri de toute manipulation ».
Beaucoup craignent que l’actuel président, souvent qualifié de « dictateur » par l’opposition, tente de fausser le jeu dimanche.
Rebecca Hanson, de l’université de Floride estime possible « de la violence après l’annonce des résultats », soulignant que les chances de voir Nicolas Maduro accepter de quitter le pouvoir sont « faibles ».
Une des clés sera l’attitude de l’appareil sécuritaire. « La force armée nationale bolivarienne me soutient », affirme Nicolas Maduro. Son rival, Edmundo Gonzalez Urrutia, appelle lui les militaires à « respecter et faire respecter (la) volonté souveraine » du peuple.