Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront au second tour de l’élection présidentielle, pour lequel le candidat d’En Marche! fait désormais figure de favori après avoir engrangé une cascade de soutiens, dont celui du candidat de la droite François Fillon.
Arrivé en tête (23,3-24%), l’ancien ministre de l’Economie devance la candidate FN (21,6-21,8%), selon les estimations de différents instituts. « On tourne clairement aujourd’hui une page de la vie politique française », s’est félicité M. Macron dans une déclaration à l’AFP.
« Ce résultat est historique », « la première étape est franchie », a réagi Mme Le Pen, qui a lancé un appel « à tous les patriotes sincères ».
Selon ces estimations, au terme d’un match à quatre serré, le candidat des Républicains François Fillon (19,7-20,1%) et le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon (19,2-20,1%) sont éliminés, au coude-à-coude pour la troisième place. Très loin derrière vient le candidat socialiste Benoît Hamon, entre 6,2% et 6,5%.
Vers 21h20, M. Mélenchon n’avait cependant toujours pas reconnu sa défaite. « Nous ne validons pas le score annoncé sur la base des sondages », a-t-il dit, appelant à la « retenue » dans l’attente des résultats des grandes villes.
Ce scénario Macron-Le Pen rebat les cartes de la politique française: c’est la première fois sous la Ve République que la droite est absente du second tour, et la première fois qu’aucun des deux grands partis qui ont dominé la vie électorale depuis près d’un demi-siècle, Les Républicains (LR) et le Parti socialiste, n’y est présent.
Jamais élu, Emmanuel Macron est désormais en bonne position pour emporter le scrutin suprême le 7 mai et devenir, à 39 ans, le plus jeune président de la République de l’Histoire, devant Louis-Napoléon Bonaparte (40 ans en 1848).
Ce premier succès récompense le pari très audacieux du secrétaire général adjoint puis ministre de François Hollande qui, prétendant transcender le clivage droite-gauche, a lancé son mouvement politique, En Marche!, en avril 2016.
« Les Français ont exprimé leur désir de renouvellement. Notre logique est désormais celle du rassemblement que nous poursuivrons jusqu’aux législatives » des 11 et 18 juin, a déclaré Emmanuel Macron, confronté au défi de constituer une majorité parlementaire avec un mouvement d’à peine un an d’existence et sans passé électoral.
Meilleur score présidentiel du FN
Face à lui se dresse la candidate du Front national, qui accède au second tour comme son père en 2002, sans toutefois arriver en tête comme elle l’a longtemps espéré.
Mais cette fois ce n’est pas une surprise: la qualification de Marine Le Pen au second tour était prédite par tous les sondages depuis 2013. Elle réalise au passage le meilleur score de l’histoire du FN à la présidentielle.
Plusieurs centaines de jeunes « antifascistes » étaient rassemblés après les résultats dimanche sur la place de la Bastille à Paris, dans un face-à-face tendu avec la police.
Le « grand débat va avoir lieu », a affirmé Mme Le Pen au sujet de M. Macron, que la leader d’extrême droite a souvent dépeint comme son adversaire préféré.
M. Macron a enregistré de nombreux ralliements dont celui, immédiat, de Benoît Hamon pour « faire barrage à l’extrême droite » même si le candidat socialiste a estimé que son rival victorieux « n’appartient pas à la gauche ».
Le Premier ministre Bernard Cazeneuve a également appelé à voter pour le candidat d’En Marche. Son prédécesseur à Matignon Manuel Valls, qui avait lâché M. Hamon en appelant fin mars à voter Macron dès le premier tour, a réitéré sans surprise dimanche soir son appel. Même consigne pour le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, en attendant son mentor, François Hollande.
Le président sortant, qui a félicité son ancien ministre, exprimera « très clairement » et « rapidement » son choix, mais pas dimanche, a annoncé l’Elysée.
A droite, le candidat battu François Fillon a jugé n’avoir « pas d’autre choix que de voter contre l’extrême droite ». « Je voterai donc pour Emmanuel Macron », a-t-il lancé, déplorant des obstacles « trop nombreux, trop cruels » mis sur sa route dans sa campagne.
Au sein de son camp, le président (LR) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur Christian Estrosi, qui avait reçu M. Macron pendant la campagne, votera également pour lui, de même que François Baroin « à titre personnel » ou Alain Juppé.
Election hors norme
Plus nuancé, le vice-président des Républicains Laurent Wauquiez, qui incarne l’aile droite du parti, s’est pour sa part contenté d’appeler à « ne pas voter pour Marine Le Pen ».
Quand les sondeurs anticipaient une abstention record, le scrutin a mobilisé: le taux de participation, en baisse d’un point seulement à 17H00, devrait avoisiner 78 à 81%, selon les estimations des instituts (79,5% en 2012).
Vainqueur triomphal de la primaire de droite, M. Fillon a été grandement fragilisé par les affaires judiciaires, après la révélation fin janvier par Le Canard enchaîné de l’emploi soupçonné fictif de son épouse comme collaboratrice parlementaire, pour lequel la justice l’a mis en examen.
Quatrième homme en 2012, avec 11,10% des voix, Jean-Luc Mélenchon pulvérise son score pour finir proche des 20%. S’il a siphonné l’électorat socialiste de M. Hamon, il échoue à se qualifier pour la finale.
Quant à Benoît Hamon, l’ancien frondeur et vainqueur de la primaire socialiste crève le plancher du score éliminatoire de Lionel Jospin en 2002 (16,18%), et fait même le pire score d’un candidat socialiste depuis Gaston Defferre en 1969 (5,01%). « Le PS va devoir se rassembler pour faire barrage au FN » car « le 2e tour n’est pas gagné », a jugé son premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis.
Parmi les « petits » candidats, Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) n’a pas appelé à voter pour M. Macron qui « n’est pas un rempart contre le FN ». Nathalie Arthaud appelle à « rejeter le vote pour Marine Le Pen » mais votera blanc. Nicolas Dupont-Aignan (4,6% à 5%) se prononcera « en début de semaine ».
Cette 10e élection présidentielle au suffrage universel de la Ve République est hors normes à plus d’un titre: un président sortant François Hollande pas en mesure de se représenter, une première depuis la mort en fonction de Georges Pompidou en 1974; élimination des favoris Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et Manuel Valls, lors des primaires; match serré dans la dernière ligne droite entre quatre candidats; contexte de menace terroriste, avec un scrutin sous état d’urgence.
Le Quotidien / AFP