Le groupe jihadiste État islamique (EI) a remporté récemment quelques succès spectaculaires en Syrie et en Irak, en dépit des frappes de la coalition conduite par les États-Unis. Le point en quatre questions-réponses.
– Après Raqa en Syrie et Mossoul en Irak, les jihadistes de l’EI se sont emparés dimanche d’une troisième capitale provinciale, Ramadi, chef-lieu de la province sunnite d’Anbar en Irak. Il s’agit de leur plus grande victoire depuis le début de leur offensive en Irak l’été dernier et d’un coup dur pour le gouvernement irakien qui annonçait avec éclat il y a un mois avoir repris Tikrit aux jihadistes. Les Etats-Unis, alliés de poids de Bagdad, ont reconnu que la chute de Ramadi représentait un « revers ». Des milices chiites ont commencé ce mardi à se rassembler aux portes de la ville pour tenter de la reprendre avec les troupes irakiennes, avant que l’EI n’en fasse une place forte.
– En Syrie, l’EI a aussi progressé à la lisière de la ville antique de Palmyre, qui abrite de magnifiques ruines gréco-romaines et une terrible prison. Cette oasis représente un important verrou vers Homs et Damas. En outre, dans la province centrale de Homs, il a pris le contrôle de deux importants champs gaziers, Arak et al-Hél, qui alimentent les centrales électriques du pays. Pour remplir ses coffres, l’EI a prouvé qu’il était capable d’exploiter les ressources pétrolières et gazières en Syrie comme en Irak.
– Jessica Lewis, de l’Institut américain pour l’étude de la guerre (IEG), assure que les deux offensives sont liées pour permettre à l’EI de consolider son territoire dans l’est de la Syrie et l’ouest de l’Irak, sur lequel il a proclamé un « califat » islamique.
Dans les plus de 3 000 raids menés en Irak et en Syrie depuis la fin de l’été 2014, les avions de la coalition ont ciblé l’équipement militaire de l’EI, les champs pétroliers et les raffineries utilisés par cette organisation et frappé ses combattants sur le terrain. Ces raids ont été parfois des succès en empêchant par exemple l’EI d’avancée vers Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Ils ont aussi permis de repousser en Syrie l’EI qui encerclait la ville kurde de Kobané et d’aider les forces gouvernementales irakiennes à reprendre Tikrit, berceau de l’ex-dictateur Saddam Hussein.
– Les analystes notent que les victoires de la coalition ne sont possibles que lorsque les raids sont menés en parallèle au déploiement de forces alliées au sol. « C’est un truisme en matière de contre-insurrection que le succès nécessite des bottes sur le terrain », affirme Max Abrahms, professeur de Sciences politiques à l’université Northeastern. A Kobané, la coalition a ainsi agi en coordination avec les combattants kurdes tandis qu’elle venait renforcer à Tikrit l’armée irakienne et les groupes paramilitaires.
– A Ramadi, la dynamique est différente car dans ce bastion sunnite les milices chiites pro-gouvernementales n’étaient pas présentes pour défendre la ville. Ramadi est au coeur « du fief sunnite … où les habitants n’ont pas complètement rejeté l’EI. Cela ne veut pas dire qu’ils l’approuvent mais ils ne soulèvent pas contre lui soit par peur soit pour se couvrir », explique Ayham Kamel, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord du groupe de réflexion Eurasia.
– A Palmyre, les forces présentes sur le terrain sont loyales au président Bachar al-Assad. Or Washington a affirmé à plusieurs reprises qu’il était hors de question de coordonner ses raids avec les forces du régime et encore moins d’envoyer des troupes au sol.
Les avancées du groupe contredisent les affirmations américaines sur le fait que l’EI serait « sur la défensive » après la perte de Tikrit et son échec à conquérir le camp palestinien de Yarmouk, dans le sud de Damas. Si la coalition ne peut pas s’appuyer sur des forces au sol, il y a de grandes chances que l’EI, qui dispose de plusieurs milliers de combattants, dont un grand nombre sont prêts au martyre, remporte de nouveaux succès.
Pour l’EI, même de petites conquêtes lui permettent de crier victoire, constate Ayman Jawad al-Tamimi, du groupe de recherches Forum du Moyen-Orient. « Le slogan du groupe est ‘baqiya wa tatamaddad’ (rester et s’étendre). Il ne va peut-être toujours s’étendre mais il va certainement rester ».
Max Abrahms constate que la coalition est surtout réactive, c’est à dire qu’elle utilise sa puissance de feu une fois que le secteur est tombé aux mains de l’EI. Tout en qualifiant la perte de Ramadi de « revers », le Pentagone a affirmé lundi que la guerre antijihadistes continuerait à être faite « d’avancées et de reculs ».
AFP