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Portugal : l’union de la gauche s’écroule


Antonio Costa est arrivé au pouvoir en 2015 grâce une alliance inédite, aujourd'hui en bout de course. (archives AFP)

Après six années de gouvernement socialiste suspendu au soutien de la gauche radicale, qui maintenant s’apprête à rejeter son budget de l’État pour 2022, le Portugal s’est retrouvé lundi dans une impasse politique que le président conservateur envisage de régler en convoquant des élections anticipées.

Après le Bloc de gauche dimanche, le Parti communiste a annoncé à son tour lundi son intention de voter aux côtés de l’ensemble de l’opposition de droite contre le projet de loi de finances, qui semble désormais voué à l’échec lors de l’examen en première lecture prévu mercredi.

« Ma position est très simple : soit il y a un budget, soit c’est la dissolution » du Parlement, a réagi le chef de l’État, Marcelo Rebelo de Sousa, après avoir répété à l’envie que si un compromis n’était pas trouvé, comme il le souhaitait, il n’hésiterait pas à accélérer un calendrier électoral prévoyant des législatives seulement à l’automne 2023.

En cas de rejet du projet de budget, la chute du gouvernement et la tenue d’élections anticipées ne sont pas automatiques mais le président, appelé à jouer un rôle d’arbitre en situation de crise, dispose du pouvoir de dissolution.

« Nous ne voulons pas d’élections mais nous ne les craignons pas », a pour sa part déclaré ce week-end le Premier ministre Antonio Costa, cité par les médias à l’issue d’une réunion avec son état-major.

Partis de protestation

« Le gouvernement reste ouvert (aux négociations, NDLR) jusqu’au vote, mais nous ne pouvons pas créer d’illusions », a souligné lundi le secrétaire d’État aux Affaires parlementaires, Duarte Cordeiro, selon lequel ses interlocuteurs ne sont disposés à « aucun type de rapprochement sur aucun sujet ».

L’exécutif estime avoir déjà fait de nombreuses concessions, avec notamment une hausse des retraites ou une augmentation du budget du service public de santé, mais le Parti communiste et le Bloc de gauche lui réclament des mesures supplémentaires, y compris en matière de code du travail.

Antonio Costa est arrivé au pouvoir en 2015 grâce une alliance inédite avec ces deux formations, fondée sur leur volonté d’écarter la droite du pouvoir et détricoter les mesures d’austérité mises en oeuvre en échange d’un plan de sauvetage international. Mais, après leur victoire aux législatives de 2019, les socialistes n’ont pas renouvelé les accords qui garantissaient l’adoption de ses budgets, préférant les négocier au cas par cas.

L’an dernier, le budget 2021 avait été adopté de justesse grâce à l’abstention de la coalition communistes-verts et des élus d’un petit parti animalier.

Malgré six années de coopération avec les socialistes, les formations de la gauche antilibérale « conservent une composante de parti de protestation qui ne s’est pas dissous », commente le politologue Antonio Costa Pinto.

Menace de l’extrême droite

Selon cet analyste de l’Université de Lisbonne, qui s’avoue « un peu surpris » par la position du Parti communiste, le scénario d’élections anticipées ne sert aucune des trois formations car « l’électorat de gauche n’apprécie pas cette incapacité à négocier ».

Le Parti socialiste a battu la droite aux élections municipales du mois dernier mais son score a été inférieur à celui de 2017 et, surtout, il a subi une défaite surprise dans son fief de Lisbonne.

Et, en dépit d’une situation sanitaire largement maîtrisée grâce à un taux de vaccination parmi les plus élevés au monde, « le contexte n’est pas favorable au gouvernement », estime Antonio Costa Pinto en citant notamment les inquiétudes concernant les prix de l’énergie.

À droite, le paysage est marqué par les divisions au sein du principal parti d’opposition, le Parti social-démocrate (PSD, centre droit), qui tiendra des élections internes le 4 décembre pour départager son président sortant, l’ancien maire de Porto Rui Rio, de son rival, l’eurodéputé Paulo Rangel.

Cette droite traditionnelle risque par ailleurs de se retrouver sous la menace de l’extrême droite, qui a percé lors de l’élection présidentielle de janvier dernier.

LQ/AFP