Accueil | Monde | Portugal : les infirmiers en grève, le gouvernement furieux

Portugal : les infirmiers en grève, le gouvernement furieux


Le Premier ministre Antonio Costa a qualifié la grève en cours de "sauvage" et "totalement illégale". (photo AFP)

En grève depuis début février pour réclamer de meilleurs salaires, les infirmiers portugais ont déjà provoqué en une semaine le report de centaines d’opérations chirurgicales avec un minimum de mobilisation, s’attirant les foudres du gouvernement socialiste.

Le mouvement social doit durer tout le mois de février en concentrant les arrêts de travail sur les équipes d’infirmiers des blocs opératoires de certains hôpitaux publics et en dédommageant financièrement les quelque 7% de grévistes grâce à des dons levés sur internet, ont expliqué ses organisateurs.

« C’est grâce à cette stratégie que nous parviendrons à faire durer la grève aussi longtemps », a souligné Sara Rego, infirmière en maternité de l’hôpital de Vila Real, qui elle-même ne fait pas grève. Ce mouvement, soutenu par deux syndicats minoritaires d’infirmiers, a jusqu’ici provoqué le report de 645 opérations, soit 57% du total prévu dans les sept hôpitaux concernés, selon le dernier bilan établi lundi soir par le ministère de la Santé. La grève devait s’élargir à partir de vendredi à trois hôpitaux supplémentaires dont le plus important du pays, à Lisbonne.

Une première grève de ce type avait provoqué l’annulation ou le report de près de 8 000 opérations entre le 22 novembre et le 31 décembre, en dépit des services minimum décrétés par le gouvernement. Le Premier ministre Antonio Costa a qualifié la grève en cours de « sauvage » et « totalement illégale », annonçant mardi soir dans un entretien télévisé que son gouvernement envisageait de recourir à la réquisition d’infirmiers pour casser le mouvement.

Antonio Costa a également annoncé l’intention du gouvernement de déposer plainte contre la bâtonnière de l’Ordre des infirmiers, Ana Rita Cavaco, jugeant qu’elle avait enfreint la loi en encourageant à la participation à cette grève dite « chirurgicale ». « J’ai l’obligation de me tenir aux côtés de la catégorie professionnelle », a-t-elle répondu.

Pas augmentés depuis dix ans

Les infirmiers du service national de santé réclament des hausses de salaires, une meilleure rémunération des heures supplémentaires ou encore l’élargissement du dégel des promotions à toute la catégorie professionnelle.

Pour alimenter une caisse de soutien aux grévistes, les infirmiers ont levé sur une plateforme de financement participatif un total de plus de 780 000 euros pour les deux périodes de grève, a expliqué Sara Rego, en précisant que les principaux donateurs étaient des collègues infirmiers. Ces méthodes font grincer des dents même au sein du Parti communiste. Celui-ci soutient le gouvernement socialiste au Parlement, tout en encourageant, à huit mois des élections législatives, les puissants syndicats qui lui sont proches à maintenir la pression sur l’exécutif d’Antonio Costa.

« Nous ne nous retrouvons pas dans ce type de grève », a déclaré Ana Avoila, porte-parole du Front commun, la principale fédération de syndicats de fonctionnaires. La fédération a lancé un appel à paralyser l’ensemble des administrations le 15 février pour réclamer des hausses des appointements. « Sur les 665 000 fonctionnaires portugais, 600 000 n’ont pas été augmentés depuis dix ans », a-t-elle fait valoir. Au pouvoir depuis fin 2015, le gouvernement a globalement tenu sa promesse de mettre fin à l’austérité menée par la droite pendant quatre ans mais se trouve paradoxalement confronté à des grèves en série au sein de la fonction publique, nourries par les attentes qu’il a suscitées.

LQ/AFP