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Portugal : la mort au bout de la route


La semaine dernière, un fourgon qui transportait des Portugais rentrant chez eux pour Pâques percutait un camion près de Moulins. Bilan : 12 morts. La camionnette transportant les victimes avait été bricolée pour accueillir les passagers.

L’accident de camionnette qui a fait 12 morts en France illustre l’ampleur du marché noir qui s’organise pour transporter des voyageurs jusqu’au Portugal. Des personnes sans scrupules proposent à des prix défiant toute concurrence des voyages dans toute l’Europe pour transporter leurs compatriotes portugais.

Pressés et attirés par des petits prix, des milliers d’émigrés portugais se rabattent chaque année sur des moyens de transport précaires, voire illégaux, pour rentrer au pays. Certains y laissent la vie, comme les douze passagers d’un fourgon accidenté en France. La jeune Inês Alves, 17 ans, avait hésité à prendre place dans cette camionnette obscure faisant office de minibus reliant la Suisse au Portugal, mais s’y était résignée car sa carte d’identité avait expiré, a raconté à la presse locale sa tante, Evelina Francisco.

Cette tragédie a provoqué une vive émotion au Portugal, où le président de la sécurité routière, José Miguel Trigoso, n’a pas hésité à comparer les organisateurs de ces voyages clandestins aux passeurs qui « proposent des bateaux à des réfugies pour traverser la Méditerranée ». « Que des gens vendent ce type de service tout à fait illégal est un mystère absolu pour moi, ils sont sans aucun scrupule », a-t-il asséné. Après avoir passé quelques jours en Suisse, où travaille son père, Inês comptait rentrer au Portugal pour les fêtes de Pâques, comme ses onze compatriotes décédés dans ce drame de la route survenu dans la nuit du 24 au 25 mars près de Moulins, dans le centre de la France.

Leur véhicule, qui a percuté de plein fouet un poids lourd venant en sens inverse, « n’était pas adapté par nature pour le transport collectif », a constaté le procureur de la République de Moulins, Pierre Gagnoud, évoquant l’hypothèse d’un « aménagement artisanal » avec des « sièges de fortune ».

Un conducteur qui roule toute la nuit

Le fourgon ne pouvait normalement transporter que six passagers, et le conducteur, seul survivant du drame qui a été placé en garde à vue, n’a que 19 ans, alors que l’âge minimum pour le transport de voyageurs est de 21 ans. Quelque 485  000 Portugais ont quitté le pays ces quatre dernières années pour échapper à la crise économique, un exode qui dépasse la grande vague d’émigration des années 60. Et toujours plus d’émigrés portugais optent pour ce genre de voyages périlleux quand il s’agit de passer quelques jours de vacances au pays, au grand dam des transporteurs légaux.

Leurs motivations? « On les dépose devant leur porte, ils ont droit à plus de bagages et c’est plus rapide car ces conducteurs ne respectent pas les limitations de vitesse comme nous », explique Adelino Dias, patron de Viagens e Turismo Castrense, un opérateur d’autocars dans le nord du Portugal. « C’est un vrai scandale, ils nous volent nos clients. Ils peuvent offrir des prix plus bas, car ils n’ont pas de charges et ne paient pas d’impôts, c’est de la concurrence déloyale à la Uber », s’emporte-t-il, faisant référence à la société américaine de chauffeurs privés.

Et en cas de contrôles? C’est simple, « ils disent qu’ils font une excursion en famille ou entre amis », assure Adelino Dias, 40 ans, qui déplore « le manque de surveillance aux frontières ». Pour parcourir les quelque 1  600 kilomètres qui séparent son siège, à Castro Daire, de Genève, cette entreprise familiale facture autour de 130 euros par passager et emploie jusqu’à trois chauffeurs qui se relaient toutes les quatre heures, avec des temps de pause obligatoires. La concurrence illégale, elle, « a recours à un seul conducteur qui roule toute la nuit, sans interruption », renchérit Michel Ferreira, 43  ans, fondateur de l’entreprise Calvario e Samar, également dans le nord du pays.

Selon lui, environ 75  % des trajets entre la Suisse et le Portugal sont assurés par des transporteurs sans licence « qui collent leurs affiches dans des cafés fréquentés par des émigrés ». « Mais nous avons tous commencé de la même manière, au marché noir », avoue-t-il. Un terrible accident il y a 25 ans subi par son patron de l’époque, que l’assurance a refusé de prendre en charge, l’a motivé à légaliser son activité et créer sa propre entreprise  : « Il était temps que cela s’arrête! »

Le Quotidien / AFP

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