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Portugal : difficultés autours de la mise en place du gouvernement


Le Premier ministre sortant Pedro Passos Coelho (D), du Parti social-démocrate (PSD) et le patron du PS, Antonio Costa, après leur rencontre, le 9 octobre 2015 à Libonne au siège du PSD. (Photo : AFP)

La formation d’un gouvernement «stable et durable» au Portugal s’annonce laborieuse, après une première réunion infructueuse vendredi entre la coalition de droite sortante, vainqueur des législatives dimanche, et le Parti socialiste, arrivé deuxième.

Si la droite l’a largement emporté sur les socialistes, avec 38,6% contre 32,4% des voix, elle a perdu la majorité absolue dans un Parlement qui a basculé à gauche, et dépendra désormais des socialistes pour gouverner.

Le Premier ministre sortant Pedro Passos Coelho et le patron du PS Antonio Costa ont tenté, sans succès, de rapprocher leurs points de vue sur un éventuel soutien socialiste à un futur gouvernement minoritaire de droite.

«Il n’y a eu aucune proposition concrète !», a lancé M. Costa à l’issue d’une réunion de trois heures qui s’est déroulée à Lisbonne au siège du Parti social-démocrate (PSD) de M. Passos Coelho.

Les discussions avec le Parti communiste, mercredi, «ont été plus faciles, là il y avait de la matière concrète sur la table», a-t-il renchéri.

M. Passos Coelho a, quant à lui, tenu à se montrer conciliant : «nous ne rejetons aucune solution, tant qu’elle ne remet pas en cause l’assainissement des comptes publics et notre reprise économique», a-t-il assuré.

Si les deux camps ont prévu de se revoir mardi, Antonio Costa compte poursuivre entre-temps ses «contacts avec toutes les forces politiques».

« Coup de bluff »

Le Parlement portugais est désormais dominé par la gauche, certes divisée, qui totalise, selon des résultats quasi-complets, 121 des 226 sièges déjà attribués, et pourrait menacer la survie d’un futur gouvernement minoritaire de droite.

«Nous ne fermons aucune porte», a insisté M. Costa, faisant allusion à l’option d’une union de la gauche, alliant PS, Bloc de gauche (10,2% des voix), apparenté au Syriza, parti au pouvoir en Grèce, et le Parti communiste qui a obtenu 8,3% des voix, allié aux Verts.

Après la défaite électorale, les divisions du Parti socialiste sont apparues au grand jour, certains réclamant haut et fort une grande alliance de gauche, alors que d’autres, plus modérés, écartaient avec force cette hypothèse.

Qualifié de «coup révolutionnaire» par la droite, un tel scénario, inédit, est cependant jugé peu probable par la plupart des commentateurs.

«C’est un coup de bluff. Antonio Costa fait monter les enchères pour pouvoir mieux peser sur les négociations avec la droite», a commenté à l’AFP le politologue José Antonio Passos Palmeira.

Si une alliance en bonne et due forme avec la droite ne paraît pas à l’ordre du jour, «le PS pourrait opter pour des appuis ponctuels, en s’abstenant au moment du vote du budget et du programme de gouvernement», a-t-il précisé.

Moins d’austérité

Soucieuse de s’assurer le soutien du PS, la droite a multiplié les appels du pied pour convaincre les socialistes de son esprit d’ouverture.

M. Passos Coelho a ainsi affirmé vouloir lui aussi «renforcer l’Etat social et garantir de meilleurs revenus aux Portugais», reprenant à son compte deux concepts chers aux socialistes.

Seule ligne rouge : «il faut respecter les engagements européens» et «ramener le déficit public en dessous des 3% du PIB» cette année. Il n’a pas exclu d’alléger plus vite que prévu certaines mesures d’austérité, mais a prévenu qu’il faudrait «compenser» un éventuel manque à gagner pour l’Etat.

La perspective d’un gouvernement minoritaire, suspendu à des accords aléatoires, suscite des inquiétudes sur un éventuel relâchement en matière de rigueur budgétaire, un an et demi après la sortie du Portugal de son plan de sauvetage international.

«Un gouvernement plus faible, conscient du risque d’élections anticipées, peut hésiter à mettre en oeuvre des réformes difficiles ou impopulaires», s’est inquiété mardi l’agence de notation Fitch.

«On ne va pas vers la fin de l’austérité mais probablement vers une politique budgétaire un peu moins dure», a tempéré Jésus Castillo, économiste à la banque Natixis.

AFP/M.R.