La campagne des élections législatives a été officiellement lancée dimanche au Portugal, à deux semaines d’un scrutin qui promet un duel ultra serré entre la coalition sortante de droite et l’opposition socialiste, sans garantie de déboucher sur un gouvernement stable.
Après quatre ans d’austérité, les partis traditionnels restent prédominants, en l’absence de mouvement fort de contestation comme en Grèce ou en Espagne. Mais ni la droite ni la gauche ne semblent en mesure de dégager une majorité absolue. Selon un sondage paru vendredi, le Parti socialiste (PS), emmené par Antonio Costa, conserve une légère avance en termes de voix (35,5% contre 34%), mais l’alliance entre le Parti social-démocrate (PSD, centre droit) et le CDS (droite) remporterait davantage de députés.
Une telle impasse est inédite au Portugal depuis l’avènement de la démocratie en 1974, et la Constitution reste vague en la matière. Du coup, au soir des élections du 4 octobre, les deux camps pourraient revendiquer la victoire. Un an et demi après la sortie du Portugal de son plan de sauvetage international, le scénario d’un gouvernement minoritaire, suspendu à des accords parlementaires aléatoires avec les partis de l’opposition, suscite des inquiétudes.
« Vu l’énorme dette du Portugal » qui frôle les 130% du PIB, « le pays ne peut pas se permettre d’avoir un gouvernement faible et de refroidir les investisseurs », a commenté David Schnautz, analyste de Commerzbank.
En quête d’alliés
Un avis partagé par le président de la République, le conservateur Anibal Cavaco Silva : « le Portugal ne peut pas se payer le luxe d’ajouter des querelles politiques aux problèmes économiques et sociaux ». Lors de la convocation des élections fin juillet, il n’avait pas caché sa préférence pour une grande coalition droite-gauche, seule manière selon lui d’obtenir « un gouvernement solide, stable et durable ».
Ni l’actuel Premier ministre Pedro Passos Coelho, ni Antonio Costa ne semblent pour l’instant prêts à former un gouvernement commun, à l’instar de la grande coalition dirigée de 1983 à 1985 par le socialiste Mario Soares. « Une grande coalition n’est imaginable que dans une situation extrême comme dans le cas d’une invasion martienne », a ainsi ironisé Antonio Costa. Mais les deux camps manquent cruellement d’allié potentiel sur l’échiquier politique.
« En cas de victoire des partis au gouvernement, il n’y a pas de recours possible à droite. Et si le PS l’emporte, on a du mal à imaginer une coalition avec le Parti communiste », explique le politologue Antonio Costa Pinto. Des accords parlementaires avec le PC, qui, allié aux Verts, peut compter sur environ 10% des voix, ou le Bloc de gauche (5%), parti frère du Syriza grec, « ne sont toutefois pas à exclure », dit-il.
AFP
L’effet Syriza
Donné longtemps favori, le PS a perdu du terrain face à la coalition sortante. La crise grecque est passée par là. Si Antonio Costa, ancien maire de Lisbonne, avait dans un premier temps salué en janvier la victoire de Syriza, il a depuis modéré son discours. « Il faut tourner la page de l’austérité sans toutefois entrer en rupture avec les règles de l’Union européenne », a-t-il clarifié jeudi lors d’un débat à la radio avec Pedro Passos Coelho.
Ce qui n’a pas empêché son rival d’assimiler le PS portugais à Syriza et d’agiter le spectre d’un retour de la « troïka » des créanciers (UE-BCE-FMI) en cas de victoire des socialistes.
Autre sujet épineux pour le PS, les déboires judiciaires de l’ancien Premier ministre socialiste José Socrates, mis en examen pour corruption et blanchiment d’argent, qui a été assigné à résidence début septembre.
Antonio Costa a pris soin de se démarquer de ce dernier, présentant un programme économique modéré et promettant d’éviter toute dérive des dépenses publiques. Pedro Passos Coelho, qui met en avant la récente reprise économique et un recul du chômage, compte lui maintenir le cap de la rigueur en cas de victoire, tout en allégeant le fardeau fiscal.