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Compte à rebours pour le gouvernement de Passos Coelho


Le Premier ministre portugais Pedro Passos Coelho (g) et le chef des socialistes Antonio Costa (d), à l'issue d'une rencontre au siège du Parti socialiste, le 13 octobre 2015 à Lisbonne. (Photo : AFP)

Le nouveau gouvernement portugais de centre droit de Pedro Passos Coelho devait présenter lundi son programme devant un Parlement dominé par une gauche déterminée à provoquer sa chute et négocier avec Bruxelles un assouplissement de la politique d’austérité.

Reconduit à l’issue des législatives du 4 octobre mais privé de sa majorité absolue, le gouvernement de Pedro Passos Coelho ne tient plus qu’à un fil: le Parti socialiste, soutenu par le Bloc de gauche, proche de Syriza au pouvoir en Grèce, et le Parti communiste, semble sur le point de prendre sa place.

«Toutes les conditions sont réunies pour garantir un gouvernement stable, responsable, cohérent et durable», a assuré le chef des socialistes Antonio Costa dans la nuit de dimanche à lundi, à quelques heures de l’ouverture du débat au Parlement.

En position de force après avoir reçu le feu vert du PS et de l’extrême gauche, cet ancien maire de Lisbonne s’apprête à déposer mardi, à l’issue du débat parlementaire, une motion contre le gouvernement, qui serait ainsi contraint de démissionner, à peine onze jours après son intronisation.

Si cette motion est votée par l’alliance de la gauche, inédite en 40 ans de démocratie, le gouvernement de Pedro Passos Coelho, vainqueur des élections malgré une politique très impopulaire de rigueur budgétaire, aura été le plus éphémère de l’histoire du Portugal.

Soucieux de rassurer les créanciers du Portugal, pays sorti en mai 2014 d’un plan de sauvetage international de 78 milliards d’euros, M. Costa a affirmé à maintes reprises qu’un futur gouvernement du PS respecterait les règles européennes.

« Pressions de Bruxelles »

Mais le Bloc de gauche, adepte d’une renégociation de la dette, et le Parti communiste, partisan d’une sortie du Portugal de la zone euro, ne sont pas près de faire taire leurs divergences sur ces sujets avec le Parti socialiste, traditionnellement proeuropéen.

La vie d’un gouvernement de gauche au Portugal «ne sera pas facile», a reconnu dimanche Catarina Martins, porte-parole du Bloc de gauche. «Nous serons exposés à des pressions énormes de la part d’une Europe acquise à la cause de l’austérité et des grands groupes financiers internationaux».

Optimiste, le PS prévoit certes de ramener le déficit public à 2,8% du PIB en 2016 dans son programme, mais revendique en même temps une lecture «plus intelligente et flexible» du traité budgétaire européen signé en 2012, jugé trop orthodoxe.

Fin des coupes dans les salaires des fonctionnaires dès 2016, dégel des retraites, augmentation du salaire minimum de 505 à 530 euros mensuels, suppression d’une surtaxe de 3,5% sur les revenus en deux ans… la gauche compte relancer l’économie en augmentant le revenu des Portugais et améliorer par ricochet les finances publiques.

Une politique aux antipodes de celle menée jusqu’ici par la coalition de droite. La ministre des Finances Maria Luis Albuquerque prévoit ainsi un «trou budgétaire de 1,5 milliard d’euros» en 2016 si le gros des mesures d’austérité ne sont pas reconduites.

Le programme de la gauche suscite des inquiétudes dans le monde de la finance: «Le Portugal ne doit pas régresser pour devenir le Cuba de l’Europe», prévient Fernando Faria de Oliveira, président de l’Association portugaise des banques.

«Unie dans son opposition au gouvernement actuel, l’alliance de la gauche ne paraît pas durable» en raison des divergences persistantes, commentent les analystes de Commerzbank. En cas de chute du gouvernement de droite, ils estiment qu’il reviendra au président Anibal Cavaco Silva, un conservateur, de «trouver un Premier ministre accepté par tous».

Après avoir fustigé une union de la gauche «incohérente» qui risque d’entraîner des «conséquences financières, économiques et sociales graves», M. Cavaco Silva a modéré son discours par la suite.

Et même l’eurodéputé socialiste Francisco Assis, farouchement opposé à une alliance «contre nature» avec l’extrême gauche, considère que le président n’a pas d’autre choix que de lui confier les rênes du pays.

AFP/M.R.