Un bras de fer migratoire oppose l’UE et le Bélarus, sur fond de tensions géopolitiques. Voici ce que l’on sait de cette crise qui a piégé des milliers de migrants à la frontière polono-bélarusse.
La crise s’installe
Depuis l’été, plusieurs milliers de migrants, originaires pour la plupart du Moyen-Orient et notamment du Kurdistan irakien, ont afflué au Bélarus pour tenter de gagner la Pologne, la Lituanie, ou la Lettonie, membres de l’Union européenne. Les Européens accusent Minsk d’avoir orchestré la situation en réaction aux sanctions occidentales prises à cause de la répression de l’opposition bélarusse.
Echaudée par la crise migratoire de 2015 et soucieuse de ne pas susciter d’appel d’air, l’UE a apporté son soutien aux voisins du Bélarus qui ont barricadé leurs frontières et renvoyé la plupart de ceux qui ont tenté de la traverser. Au moins onze migrants sont morts depuis le début de la crise, selon les organisations humanitaires.
Mardi, Varsovie a également utilisé par des températures glaciales des canons à eau et du gaz lacrymogène pour repousser une foule qui, après une semaine dans un camp de fortune côté bélarusse, a avancé sur le poste frontière entre les localités bélarusse de Brouzgi et polonaise de Kuznica. Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, a jugé que cette crise « pourrait durer des mois, voire des années ».
Quelque 4.000 personnes seraient actuellement coincées au Bélarus. Des centaines d’entre eux sont dans des zones boisées dans des conditions matérielles très difficiles. Le Bélarus a ouvert mardi soir un premier centre d’accueil pour les loger et nourrir. Quelque 1.000 personnes y ont trouvé refuge.
De Bruxelles à Moscou, qui dit quoi
Pour l’UE, le président bélarusse Alexandre Loukachenko est l’instigateur de la crise. Il voudrait forcer les Européens à reprendre langue avec lui, alors qu’ils ne reconnaissent pas sa réélection de 2020 et le traitent en paria du fait d’une répression sans merci de ses opposants et de la société civile.
L’intéressé dément, mais se félicite d’avoir par deux fois cette semaine parlé à la chancelière Angela Merkel, assurant même que des pourparlers directs entre l’UE et le Bélarus sont imminents. L’interprétation allemande est différente, Berlin parlant d’un processus impliquant le Haut commissariat aux réfugiés, l’Organisation mondiale pour les migrations — deux entités de l’ONU — et la Commission européenne afin d’organiser aide humanitaire et rapatriements. Néanmoins, le porte-parole de Mme Merkel a jugé « utile de parler » à M. Loukachenko, « même s’il s’agit d’un dirigeant dont l’Allemagne, comme tous les autres Etats membres européens, ne reconnaît pas la légitimité ».
Pour Varsovie, la crise est l’occasion de serrer les rangs avec ses partenaires européens, qui reprochent au pouvoir polonais une dérive et de bafouer des principes de l’UE tels l’indépendance de la justice ou la primauté du droit communautaire. Restant droite dans ses bottes en verrouillant ses frontières, la Pologne se pose comme la première ligne de défense d’une Europe qui craint la répétition d’un afflux migratoire d’ampleur.
Le Kremlin a lui revêtu dans ce dossier un costume de « médiateur des pourparlers ». Se posant en acteur raisonnable, il se félicite qu’un « contact direct » UE-Bélarus a été établi. Moscou voit avec satisfaction que son allié bélarusse s’affirme, la Russie ayant appuyé le régime d’Alexandre Loukachenko face aux pressions occidentales.
Les migrants, grands perdants
Les migrants, pour la plupart, ont quitté leur pays en dépensant des milliers de dollars pour rejoindre l’UE via le Bélarus. Mais la frontière semble largement imperméable, tant Baltes et Polonais sont déterminés à bloquer le passage. Varsovie prévoit même de bâtir un mur et a déployé des milliers d’hommes et l’armée.
Avec l’hiver, la météo va se dégrader et rendre les conditions de vie toujours plus difficiles. Déjà, il gèle et la neige ne devrait pas tarder à tomber. Actuellement, le choix semble limité pour ces migrants : rester au Bélarus pour tenter de passer clandestinement dans des conditions périlleuses ou rentrer. Entre 200 et 300 Irakiens semblent avoir fait le choix du rapatriement. Un vol doit les ramener au pays jeudi.
LQ/AFP