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Plus de contrôles à la frontière ? 


Dans deux semaines, il pourrait y avoir des contrôles permanents. (photo AFP)

Rencontre avec des frontaliers indécis dans un village français et allemand.

Lorsque l’Allemand Gerhard Wagner sort son chien, il va vers la France. À Leidingen, ou Leiding, la frontière franco-allemande traverse le village, et la question de contrôles permanents entre les deux pays, presque impossible à mettre en place, divise la population.

Quelques dizaines d’habitants peuplent Leiding côté français, contre moins de 200 à Leidingen, en Allemagne. Une petit route rurale incarne la division géographique de la commune.

D’un côté, c’est la «rue de la Frontière», en France. De l’autre, la «Neutrale Straße» (rue Neutre), en Allemagne.

Si Friedrich Merz, le chef des conservateurs allemands devient chancelier, au terme des législatives dans deux semaines dont il est le grand favori, il souhaite réintroduire des contrôles permanents aux frontières. Une proposition qui suscite des avis partagés à Leidingen/Leiding, où des contrôles particulièrement difficiles à mettre en œuvre.

«Je pense qu’il devrait y avoir un certain contrôle. Il ne faut pas laisser entrer tout le monde», estime Gerhard Wagner, tout en promenant son husky. «Il faut que ce ne soit pas possible pour tout le monde de traverser comme on veut.»

Lorsqu’on lui demande s’il souhaite une fermeture des frontières comme au temps du covid, Gerhard Wagner secoue pourtant la tête. «Non, Dieu merci. C’était terrible», se souvient-il.

Durant la pandémie, traverser le village nécessitait de faire un détour de plusieurs kilomètres pour atteindre un point de passage autorisé.

«Moyen Âge politique»

Pour Gerhard Wagner, des contrôles ponctuels sont donc utiles. Mais les habitants de la région devraient pouvoir continuer à circuler librement. Une perspective qu’il paraît malaisé de transcrire en langage bureaucratique.

L’adjoint au maire de longue date à Leidingen, Wolfgang Schmitt, trouve l’idée de contrôles frontaliers permanents effrayante. Ce serait un retour à un «Moyen Âge politique», gronde ce septuagénaire, qui a fait installer deux «fenêtres sur la frontière» offrant chacune une belle vue sur l’autre côté du village.

«Cela créerait à nouveau une barrière entre deux pays, alors que l’Europe doit se tenir ensemble maintenant», affirme l’élu.

L’introduction de contrôles permanents relèverait pour Wolfgang Schmitt d’un «acte symbolique», car la frontière naturelle franco-allemande est difficilement contrôlable.

«D’où viendraient tous les policiers ?», s’interroge-t-il avec scepticisme.

En arrière-plan, des cloches résonnent l’une après l’autre. Car malgré sa petite taille, il y a bien une église à Leiding, et une autre à Leidingen.

Quelque 37 points de passage officiels existent entre la seule Sarre, le Land d’appartenance de Leidingen et la France. Mais des dizaines d’autres sont recensés entre les Länder du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-Palatinat et la région Grand Est, notamment à Strasbourg, capitale européenne.

2025 marque le 40e anniversaire de l’accord de Schengen, qui a supprimé les contrôles aux frontières intérieures de l’UE. Pourtant, depuis plusieurs années, de nombreux États membres de Schengen appliquent des règles exceptionnelles, valables chaque fois pour six mois, dont l’Allemagne et la France.

L’Allemagne a réintroduit ces contrôles frontaliers en septembre. Selon les statistiques de la police fédérale, le nombre de «personnes entrées illégalement» s’est conséquemment légèrement réduit, passant d’environ 7 100 par mois sur les neuf premiers mois de l’année, contre en moyenne 6 400 en octobre, novembre et décembre.

Mesure irréalisable

Le syndicat de la police allemande a toutefois déjà averti que le rétablissement permanent de ces contrôles n’était pas une option, à moins d’embaucher jusqu’à 10 000 policiers supplémentaires pour surveiller les quelque 3 800 km de frontière nationale.

À quelques kilomètres de Leidingen, se trouve le bourg allemand de Nassweiler, qui partage une frontière avec Freyming-Merlebach, en France.

Sur le parking du supermarché de Nassweiler, la plupart des voitures arborent des plaques d’immatriculation françaises. Parmi les clients, la proposition de Merz sur les frontières trouve un écho plutôt favorable.

«Oui, je suis d’accord avec ça. Parce que, bon, trop d’immigration clandestine, c’est pas bien pour beaucoup de choses», affirme Serge Wilmuth, un Français convaincu que les migrants viennent surtout de l’Allemagne vers la France.

«Il faut des contrôles pour dissuader les gens de passer», soutient-il. Mais les contrôles ne changeraient pas grand-chose pour lui, pense-t-il, car il continuerait à faire ses courses en Allemagne, où «certains produits sont moins chers que chez nous».

Une cliente allemande, qui ne souhaite pas donner son nom, partage son avis, mais suppose que les migrants vont plutôt dans l’autre direction.

Près du supermarché, plusieurs affiches électorales sont accrochées. Tandis que la CDU fait la promotion de sa candidate locale, l’AfD (extrême droite) a un message simple : «Nous contrôlons la frontière».

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