Le distributeur nordiste Auchan a présenté mardi à ses représentants du personnel un projet de plan social menaçant un total de 2.389 emplois en France, via notamment la fermeture d’une dizaine de magasins, pour tenter de se relancer après plusieurs exercices compliqués.
L’enseigne de la galaxie Mulliez a présenté aux représentants de ses plus de 53.000 salariés en France des projets de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) majeurs. La réunion a commencé à 09H00 dans un hôtel de Neuville-en-Ferrain, près de Lille.
« C’est catastrophique. Ça va laisser beaucoup, beaucoup de salariés dans la difficulté, de familles. C’est choquant, scandaleux », s’est indigné Franck Martineau, délégué syndical FO Auchan Retail, après avoir pris connaissance du chiffre précis de suppressions de postes.
Le plan social devra être « à la hauteur du sacrifice demandé aux salariés, avec un maximum de reclassement », a souligné Gilles Martin, délégué CFDT Groupe Auchan-France.
Les syndicats, épinglant le manque de « stratégie dans la longueur » de la direction, sont pessimistes quant aux chances d’éviter la « casse » des emplois. Les négociations doivent se poursuivre la « semaine prochaine », après l’ouverture du plan social.
« Mutualisation »
« Le groupe Mulliez est en train de détruire de l’emploi en France », a grondé Léon Deffontaines, porte-parole du Parti communiste, sur franceinfo. Auchan prévoit une cure d’amaigrissement à différents niveaux. D’abord, une mutualisation de fonctions support entre différentes entités au sein de ses sièges (784 postes potentiellement concernés).
Ensuite, une organisation « plus agile et autonome » de son réseau de magasins, pour un possible total de 915 postes menacés.
Au programme aussi, la fermeture de trois entrepôts assurant l’activité de livraison directe à domicile, à Paris, Lille et Lyon, qui entrainerait 224 suppressions de postes.
Enfin, la fermeture d’une petite dizaine de magasins « dont les foyers de perte sont tels qu’on a du mal à voir une issue à brève échéance », selon une source proche de la direction. Soit 466 postes menacés, principalement dans trois hypermarchés à Clermont-Ferrand, Woippy (Moselle) et Bar-le-Duc, et un supermarché à Aurillac.
Le ministre de l’Economie Antoine Armand compte « s’assurer » que « la priorité de cette transformation (d’Auchan) est bien l’emploi ».
Au total, 2.389 postes sont menacés. La direction espère limiter le nombre de licenciements secs via un accompagnement des collaborateurs concernés, des formations de reconversion, des congés de reclassement et un plan de départs volontaires. Elle prévoit aussi la création de 114 postes dans les activités de « drive » (récupération des achats en ligne) et 205 au sein des fonctions support.
Auchan Retail avait déjà annoncé en septembre 2020 la suppression de 1.475 postes en France, après un plan de départs volontaires de plus de 500 postes en janvier de la même année.
« Un moyen, pas une finalité »
Longtemps considéré comme l’un des acteurs les mieux-disants au niveau social dans la grande distribution, Auchan enchaîne les mauvais exercices économiques, et sa holding Elo Groupe a annoncé en juillet une perte nette de près d’un milliard d’euros sur les six premiers mois de 2024.
Plusieurs facteurs expliquent les difficultés d’Auchan en France: sa part de marché d’abord, à 9,1% au dernier pointage, qui en fait le cinquième acteur du marché français, loin derrière le leader E.Leclerc (24,1%), Carrefour (21,4%) et Mousquetaires/Intermarché (17,4%). Le quatrième, Coopérative U, est à 12,2%.
Cette position limitant son pouvoir de négociation avec les fournisseurs, Auchan a formé une alliance avec Intermarché pour acheter en commun, afin d’améliorer ses conditions d’achat sur le long terme (dix ans).
De plus, Auchan, comme Carrefour, fonctionne sur un modèle intégré – il est propriétaire de ses magasins -, contrairement à des enseignes comme E.Leclerc et Intermarché qui réunissent des indépendants. Ce modèle intégré génère des coûts de fonctionnement plus élevés, ce qui pèse sur la compétitivité des prix. Pour y remédier, Auchan cherche à mutualiser ses fonctions support.
Enfin, le groupe prévoit de réduire de 25% la taille de 65 magasins, visant des surfaces plus petites de 8.000 m². Les espaces vacants pourraient être occupés par d’autres enseignes, tandis que la gamme de produits, notamment non-alimentaires, serait réduite, face à la concurrence croissante du commerce en ligne.
Toutefois, cette stratégie n’est pas un « projet de décroissance », a assuré le directeur général d’Auchan, Guillaume Darrasse auprès de plusieurs médias dont l’AFP. « La baisse des coûts est un moyen, pas une finalité », a-t-il affirmé.