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Pas de Black Friday à Nottingham


Des hordes de consommateurs prennent d’assaut les magasins à l’occasion du Black Friday au Royaume-Uni mais, comme à Nottingham, la poussée de l’inflation avant le Brexit pousse de nombreuses familles à compter chaque penny.

Amy Cupit, une salariée d’une entreprise d’aide au logement, explique ne plus sortir au pub ou au café et éviter d’utiliser sa voiture, afin d’économiser en vue de Noël. « Le 25 décembre, il faudra payer jusqu’à 20 livres pour la viande (22,50 euros), c’est beaucoup d’argent pour une seule journée », compte-t-elle.

Cette mère de deux jeunes enfants fait partie de ces millions de Britanniques qui voient leur pouvoir d’achat s’éroder depuis des mois à cause d’une inflation accélérée. Les prix grimpent au rythme de 3% par an au Royaume-Uni suite à un renchérissement des produits importés, notamment alimentaires, après la dégringolade de la livre consécutive au référendum pour le Brexit.

« Les légumes n’ont pas trop augmenté mais la hausse est énorme pour la viande et les desserts », détaille Amy, 33 ans.

Son époux est fonctionnaire mais les fins de mois sont difficiles pour sa famille, au point qu’elle a commencé un deuxième petit boulot le soir – tester des produits – afin de pouvoir acheter quelques gâteries pour les fêtes. Amy, qui aide ponctuellement à distribuer des boîtes de conserve dans une banque alimentaire, craint de devoir dépendre elle-même de ces distributions de charité à l’avenir.

« Le gaz, l’électricité, le remboursement de notre prêt immobilier, tout devient plus cher et les salaires augmentent à peine, chaque mois vous devez vous priver de quelque chose », se désole-t-elle. Lorsqu’elle fait ses courses, elle ne peut dévier d’un poil de sa liste.

Plus de la moitié de l’inflation actuelle est due au Brexit, estime le centre de recherche UK in a Changing Europe, pour qui la décision de quitter l’UE a déjà privé la famille britannique moyenne d’une semaine de salaire par an.

Payer l’addition en février ?

Sur le marché central de Nottingham aux stands couverts de neige artificielle, peu d’acheteurs font pourtant le lien de cause à effet. « Les prix augmentent de toute façon », répond Anita Tull, une assistante médicale de 46 ans qui a voté pour le Brexit.

Comme la plupart des villes moyennes d’Angleterre, Nottingham s’est prononcée en majorité pour quitter l’UE le 23 juin 2016. Une étude récente de YouGov a montré que les partisans du Brexit liaient nettement moins l’inflation au départ de l’UE que les europhiles.

Anita reconnaît néanmoins avoir dû « un peu adapter » son mode de vie face à l’inflation. « On n’achète rien à moins d’avoir un tarif intéressant. On traque les soldes, les bonnes affaires, les +trois pour le prix de deux+ », décrit-elle.

Dans la ville des exploits légendaires de Robin des Bois, la population gagne 8% de moins que la moyenne nationale, aussi l’impact de la crise du pouvoir d’achat est-il particulièrement ressenti, a fortiori lorsque les citadins passent devant les vitrines alléchantes et enguirlandées d’avant Noël.

Comme ailleurs dans le pays, les supermarchés à prix cassés font plus que jamais recette. L’enseigne allemande Lidl compte ainsi à Nottingham pas moins de neuf magasins où les clients peuvent acheter un énorme père Noël en chocolat pour 75 pence (84 centimes) et un pudding festif pour 3,49 livres (3,92 euros).

« Il y a une pression énorme sur les gens pour qu’ils achètent des cadeaux à leur famille et en profitent », constate Nigel Adams, directeur de Hope, un réseau de 15 banques alimentaires de Nottingham. « Il y a des gens qui dépensent trop à Noël et se retrouvent en février à payer l’addition ».

A la fin novembre, son réseau a déjà distribué 500 paniers de nourriture de plus que pour l’ensemble de l’année dernière.

Le Quotidien/ AFP