L’eurodéputé libéral, très irrité, n’hésitait pas mardi à qualifier de «grand gâchis» la façon dont s’est déroulée l’élection du président du Parlement européen, qui a vu la victoire de l’Italien Antonio Tajani (PPE, droite).
« Très remonté », « en colère »… Charles Goerens (DP, membre des libéraux de l’ALDE) n’avait pas de mots assez durs, mardi, pour exprimer son désarroi au vu du déroulement de l’élection du président du Parlement européen, « un grand gâchis » selon lui.
« Au cours d’une législature, tous les objectifs sont braqués pendant 24 heures sur le Parlement européen lorsque l’on élit son président. Et quel est le message aujourd’hui donné aux médias? Quatre tours d’élections (NDLR : les propos de Charles Goerens ont été recueillis entre le 3 e et le 4 e tour), une réponse aux grands défis européens inexistante. »
L’eurodéputé libéral appelait de ses vœux une grande coalition « des chrétiens-sociaux (PPE), des libéraux, des Verts et des socialistes raisonnables pour former un bloc efficace contre les populistes, les extrémistes de droite ». Force est de constater que la formation de cette coalition «raisonnable» ne s’est pas réalisée mardi, bien au contraire, compte tenu des dissensions, des tractations purement politiciennes qui sont apparues au grand jour.
Et pour lui, les atermoiements des eurodéputés, mardi, ne permettent pas de donner une «nouvelle inflexion à l’UE» et de répondre aux grandes questions qui se posent ou qui risquent de se poser à l’avenir : « Que fera-t-on si une nouvelle crise des réfugiés éclate? Si une nouvelle crise économique nous frappe? Que fait-on pour répondre au déficit démocratique dont souffre l’UE? Pour faire bouger les lignes, il faut l’appui de toutes les forces politiques responsables. »
Pourtant, l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) – dont Charles Goerens est membre – n’a pas été exempte de calculs politiciens avec le soutien surprise et de dernière minute de son chef de file, Guy Verhofstadt, au PPE. « Mon président de groupe a dit qu’il était ouvert aux socialistes, que M. Pittella (NDLR : le candidat des sociaux-démocrates) n’aurait pas daigné répondre à ses coups de téléphone ces quatre derniers jours. »
«Des raisons bassement personnelles»
Quant à la tentative de Guy Verhofstadt de rallier à lui les 17 eurodéputés du Mouvement 5 étoiles du populiste italien Beppe Grillo, Charles Goerens ne la condamne pas formellement : « On peut évidemment être critique vis-à-vis de cette opération. Mais les parlementaires du Mouvement 5 étoiles sont de loin bien meilleurs que les populistes qui les dirigent. Pratiquement tous mes collègues sont unanimes pour reconnaître la qualité du travail fourni par ces personnes (NDLR : un avis partagé par la socialiste Mady Delvaux). Beppe Grillo est spécial, c’est un populiste, il crache à peu près sur tout, mais je ne le logerais quand même pas à la même enseigne que les extrémistes de droite. »
Le vote des députés étant secret, impossible de savoir sur quel candidat a porté le choix de Charles Goerens, ni s’il a suivi la «discipline» de son groupe ALDE qui appelait à voter pour le proche de Silvio Berlusconi Antonio Tajani (PPE), ce qui n’a pas été sans susciter quelques remous chez les libéraux.
Enfin… pas tout à fait… « Mon ambition première ce n’est pas le devoir de contemplation de Berlusconi et de ses proches », tonne l’eurodéputé qui met fin au suspense. Il faut dire que les motivations que prêtent Charles Goerens à Antonio Tajani sont loin de trouver grâce à ses yeux : « Ce sont des raisons bassement personnelles, d’arrondissement de la carrière à la fin d’une longue trajectoire politique. Et ça, je m’en fous comme de l’an 40. »
Nicolas Klein