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Paraguay : des opposants saccagent et incendient le parlement


Un manifestant devant le parlement saccagé à Asuncion, au Paraguay, le 31 mars 2017. (Photo : AFP)

Des manifestants protestant contre un projet controversé d’amendement constitutionnel qui permettrait la réélection du président du Paraguay ont saccagé et incendié vendredi le bâtiment du Congrès, les heurts avec la police faisant une trentaine de blessés.

Parmi les blessés figurent trois parlementaires, selon les pompiers et un sénateur de l’opposition, ainsi que des manifestants et des policiers.

A un an de l’élection présidentielle de 2018, la réforme devrait permettre au président conservateur Horacio Cartes, au pouvoir depuis 2013, et à l’ex-président Fernando Lugo (2008-2012), un ancien évêque, de briguer un nouveau mandat. Le gouvernement soutient la réélection du président mais elle est critiquée par l’opposition, attachée au mandat unique prévu actuellement par la Constitution de ce pays qui a souffert d’une longue dictature sous le général Alfredo Stroessner (1954-1989).

Vendredi en fin de journée, une majorité de 25 sénateurs sur 45 ont approuvé le projet d’amendement de la Constitution. Le vote s’est déroulé dans des bureaux du Sénat, car la salle d’assemblée plénière était occupée par les sénateurs du Parti libéral, opposés à la réforme. Dans la soirée, des heurts ont opposé des centaines de manifestants, scandant «Plus jamais la dictature!» à la police.

Les opposants ont fait irruption dans le Congrès après avoir cassé des portes, des palissades et des baies vitrées. Ils ont saccagé les bureaux des sénateurs favorables à l’amendement avant de provoquer des incendies. Les forces de sécurité ont eu recours à la police montée et aux canons à eau pour tenter de disperser les émeutiers.

Référendum

Après la dictature du général Stroessner, la Constitution de 2012 avait tranché: pas de réélection. La disposition visait à protéger le Paraguay d’une tentative d’un président de se cramponner au pouvoir. La Chambre des députés, où le gouvernement possède une large majorité, doit approuver à son tour la réforme de la Constitution. Ce vote était prévu samedi, mais il a été reporté en raison des débordements.

«Nous ne pourrons pas voter ce samedi. Ce qui se passe est grave. J’espère que le calme reviendra rapidement», a déclaré le président de la Chambre des députés, Hugo Velazquez, dans une allocution télévisée. En cas d’approbation par les deux chambres, le Tribunal supérieur électoral devrait convoquer un référendum dans un délai de trois mois. Le président du Sénat, le libéral Roberto Acevedo, estime que le vote de vendredi est «inconstitutionnel», et il a appelé la Cour suprême à l’invalider.

«Que les citoyens se prononcent sur la réélection par référendum, une minorité ne peut pas l’empêcher», a rétorqué la sénatrice Lilian Samaniego, présidente du Parti Colorado, au pouvoir. Parmi les blessés figurent le président du Sénat lui-même, le candidat libéral battu lors de la présidentielle de 2013, Efrain Alegre, et le député libéral Edgar Ortíz, a dénoncé le sénateur d’opposition Luis Wagner.

Le député a reçu une balle caoutchoutée tirée par un policier anti-émeutes. Les sénateurs d’opposition proches de l’ex-président de gauche Fernando Lugo ont approuvé la réforme, mais l’opposition libérale a dénoncé «un coup parlementaire» et appelé à «la résistance». «C’est un projet dictatorial de Horacio Cartes avec la complicité de Fernando Lugo, complice de ce projet autoritaire», a soutenu le sénateur Carlos Amarilla.

Dans la soirée, le président Horacio Cartes a lancé un appel au calme et qualifié les manifestants de «barbares». «J’appelle les citoyens à rester calmes et à ne pas se laisser convaincre par ceux qui, depuis des mois, annoncent des faits de violence et que le sang coulera», a-t-il dit dans un communiqué.

Il accusé l’opposition libérale «de ne pas ménager ses efforts pour pour atteindre son objectif de détruire la démocratie et la stabilité politique et économique du pays». Samedi vers 00h00, le calme était revenu devant le Congrès, où les forces de l’ordre restaient mobilisées en nombre pour contenir tout débordement.

Le Quotidien/AFP