Un tribunal turc a commencé à juger lundi l’auteur de l’attentat contre une discothèque d’Istanbul commis dans la nuit du Nouvel An 2017 qui a fait 39 morts, pour la plupart des touristes étrangers.
Abdulkadir Masharipov, un Ouzbek qui a avoué avoir commis cette attaque revendiquée par le groupe État islamique (EI), comparaît avec 56 complices présumés lors du procès qui s’est ouvert à Silivri, à la lisière d’Istanbul.
Entouré de gendarmes, il a dans un premier temps refusé de répondre aux questions du juge, invoquant son droit au silence, selon une correspondante de l’AFP sur place.
Mais il a fini par répondre à une question portant sur le sort d’un de ses enfants, Mohamad, que des membres présumés de l’EI sont allés chercher auprès de sa mère à Istanbul pour l’emmener vers un lieu inconnu après la tuerie.
« J’ai dit à Abou Jihad en Syrie de le faire emmener. Je lui ai demandé de ne pas me l’amener car il aurait fait du bruit », a-t-il dit.
D’après l’acte d’accusation, « Abou Jihad » est le nom de guerre d’Islam Atabaiev, un membre éminent de l’EI en Syrie de nationalité russe qui a donné à Masharipov l’ordre de commettre l’attentat.
Le procureur d’Istanbul a requis 40 fois la prison à vie contre Masharipov, âgé de 34 ans au moment de l’attaque. Il est accusé notamment d' »homicides volontaires » et de « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel ».
« Il était discret »
L’une de ses épouses, Zarina Nurullayeva, figure parmi les 56 autres personnes nommées dans l’acte d’accusation. La plupart sont en détention préventive.
Elle a affirmé à la cour qu’elle ne savait rien du projet meurtrier de son mari.
« Il était discret et il ne me disait rien. Et quand je posais des questions il me demandait de ne pas me mêler des affaires d’hommes », a-t-elle dit.
Elle a confirmé que son fils avait été emmené par « deux hommes » qui lui avaient assuré qu’il serait remis à son père. « J’ai beaucoup pleuré. Je n’ai pas reçu de nouvelles de lui depuis ».
Parmi les prévenus figurent également, selon la presse, une épouse franco-sénégalaise de Masharipov, Tene Traore, et un franco-turc considéré comme l’un des cerveaux de l’attaque, Abdurrauf Sert.
Le procès se tient près d’un an après cette attaque qui a ébranlé un pays qui espérait tourner la page d’une année 2016 traumatisante, marquée par une vague sans précédent d’attentats et une tentative de putsch.
L’attentat du Reina fut le premier revendiqué de façon directe par l’EI, même si Ankara lui a imputé d’autres attaques, notamment celle contre l’aéroport Atatürk d’Istanbul en juin 2016 (46 morts).
« Réseaux tentaculaires »
« À ce jour, l’ensemble des investigations menées par les juges turcs nous ont permis de connaître, en tout cas de lever le voile, sur certaines zones d’ombre mais pas toutes », a déclaré Me Samia Maktouf, qui représente les familles de la Française Senda Naka et de son mari tunisien Mohamad Ali qui ont péri dans l’attentat, laissant derrière eux une fille âgée alors de six mois.
« Les attentes des parents, des familles, des frères et sœurs, c’est très justement de connaître l’ensemble des circonstances, connaître les réseaux tentaculaires (impliqués dans l’attentat) aussi bien ici en Turquie, en France, ou ailleurs dans le monde », a-t-elle ajouté.
Peu après 01 heure, dans la nuit du Nouvel An, un homme armé d’un fusil d’assaut faisait irruption devant la plus célèbre discothèque d’Istanbul, le Reina, abattant deux personnes à l’entrée avant de pénétrer à l’intérieur et d’y semer la mort.
L’assaillant a utilisé des chargeurs doubles pour optimiser le temps de rechargement, des grenades aveuglantes pour désorienter ses cibles et visé le haut du corps pour augmenter le taux de mortalité des tirs.
Ses tirs ont fait 39 tués et 79 blessés. La plupart des victimes sont des étrangers qui fêtaient le Nouvel An dans cette boîte de nuit huppée, fréquentée par les touristes et les célébrités.
Entre 700 et 800 personnes se trouvaient dans l’établissement et des dizaines d’entre elles ont plongé dans les eaux glacées du Bosphore pour échapper aux balles de l’assaillant qui avait réussi à prendre la fuite en profitant du chaos.
Masharipov sera arrêté dans la banlieue d’Istanbul 15 jours plus tard.
Le Quotidien/ AFP