Le gouvernement a demandé à EDF d’étudier le scénario d’une augmentation de la puissance de ses réacteurs existants pour redresser sa production électrique après une année noire 2022 qui l’a vue tomber à son niveau le plus bas depuis 30 ans.
L’Etat-actionnaire demande à l’électricien national de produire plus, en optimisant les capacités de son parc nucléaire existant composé de 56 réacteurs mis en service entre 1979 et 2002. « J’ai demandé à EDF de mettre à l’étude une augmentation de puissance du parc nucléaire français, en lien avec l’ASN », l’Autorité de sûreté nucléaire, a confirmé à l’AFP la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher après s’être exprimée dans Le Monde mardi.
« Cette instruction technique s’inscrit dans l’ensemble des mesures visant à augmenter la production d’énergie décarbonée en France et donc dans la politique de relance de la filière nucléaire française », a précisé le ministère.
L’enjeu est aussi crucial pour EDF, en voie de renationalisation complète, et dont la production nucléaire recule depuis des années, jusqu’à atteindre son niveau le plus faible depuis 30 ans à 279 térawattheures (TWh) en 2022 à cause de travaux liés à des problèmes de corrosion. La décision de l’exécutif a été prise le 3 février lors d’un Conseil de politique nucléaire (CPN) réuni par le président Emmanuel Macron. C’est ce même conseil de politique nucléaire qui avait acté dans le plus grand secret la réforme contestée de la sûreté nucléaire.
Raccourcir les maintenances
Cette mesure d’augmentation de puissance « pourra contribuer à augmenter la production d’électricité nucléaire, qui reste encore inférieure à son potentiel », estime le ministère Concrètement, il s’agit de gagner des marges indépendamment de la construction de six réacteurs EPR de nouvelle génération, dont le premier est envisagé pour 2035-2037… dans le meilleur des cas.
L’étude portera sur « l’ensemble des trois paliers (catégories, NDLR) de réacteurs nucléaires existants », qui fournissent l’essentiel de leur courant aux Français: les paliers de 900 MW, et les plus récents de 1.300 MW et 1.450 MW. Doper les capacités permettrait des gains de puissance de l’ordre de « 4-5% » pour certains réacteurs, estimait fin mars Sylvie Richard, directrice du programme grand carénage d’EDF.
« Chaque mégawatt est bon à prendre », avait-elle plaidé lors d’une visite de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (Loire-et-Cher).
Si ces modifications étaient décidées sur l’ensemble du parc d’une capacité totale installée de 61,4 GW, une augmentation de 3% de la production reviendrait à ajouter l’équivalent de la puissance de « deux réacteurs », indiquait de son côté la ministre dans les Echos le 1er mars.
Selon le ministère, l’instruction sera menée « d’ici fin 2023 » et « fera l’objet d’un point d’étape au conseil de politique nucléaire de fin d’année ». Mais pour l’heure, l’ASN indique à l’AFP ne pas encore avoir « reçu de dossier d’EDF à ce sujet ».
« Des augmentations de puissance ont été autorisées à l’étranger » et cette solution avait d’ailleurs été « envisagée » un temps par EDF « à l’occasion du troisième réexamen périodique des réacteurs de 1.300 MW » commencé en 2015, mais cela n’avait « pas eu de suite », précise le gendarme du nucléaire.
Concrètement, l’étude technique évaluera prioritairement les modifications possibles dans le circuit secondaire, là où la vapeur produite dans le circuit primaire est envoyée dans les turbines géantes du turbo-alternateur pour être transformée en électricité. Pourquoi le circuit secondaire en priorité? Parce que « les enjeux de sûreté devraient être moins structurants que sur le circuit primaire », la partie abritant le combustible nucléaire, avance le ministère.
Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement compte travailler sur la réduction de la durée des arrêts de maintenance et sur « l’excellence opérationnelle » pour relever la production d’EDF dans une fourchette située entre 350 et 380 TWh, dans les prochaines années, soit une augmentation d’environ 30%. EDF serait alors encore bien loin de son âge d’or quand il produisait 430 TWh, comme en 2005.
De tels coûts de modification ou d’optimisation viendraient s’ajouter à la facture totale du grand carénage, ce programme colossal qui vise à moderniser et prolonger la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans. Son coût réévalué avoisine les 66 milliards d’euros.