L’échec des pourparlers de paix sur le Yémen traduit la profonde méfiance entre les belligérants et fait craindre une nouvelle escalade militaire, en particulier dans la région stratégique de Hodeida, où de violents combats ont fait 84 morts ces dernières 24 heures.
Samedi, des consultations très attendues sous l’égide de l’ONU – les premières depuis plus de deux ans – ont échoué à Genève avant même d’avoir commencé : après avoir posé des conditions à leur présence, les rebelles Houthis n’ont finalement pas fait le déplacement. Les pourparlers autour de ce conflit, à l’origine de « la pire crise humanitaire » au monde selon les Nations unies, devaient initialement s’ouvrir jeudi.
Quelques heures après l’annonce de cet échec cuisant par le médiateur onusien Martin Griffiths, le chef des rebelles Abdel Malek al-Houthi a appelé ses partisans à la « résistance face à l’agression » du gouvernement yéménite, soutenu par une coalition militaire sous commandement saoudien. Sommant les Yéménites d’ « aller aujourd’hui sur tous les fronts », le chef al-Houthi leur a demandé de renforcer « la défense, la sécurité » et de recruter « des volontaires sur le terrain ». Les Houthis, qui contrôlent de vastes régions de l’ouest et du nord dont la capitale Sanaa, sont soutenus par l’Iran.
Dimanche, des responsables militaires et des sources hospitalières ont annoncé que de « violents » combats ces dernières 24 heures autour de la ville stratégique de Hodeida avaient fait 84 morts, 11 parmi des combattants progouvernementaux et 73 dans les rangs rebelles. Le processus de paix que Martin Griffiths cherchait à relancer depuis des mois a été sérieusement compromis, estime Aleksandar Mitreski, chercheur sur le conflit yéménite à l’Université de Sydney. « Comme il n’y a pas de processus de paix à respecter, les belligérants n’auront pas de contraintes (…) sur le terrain », prévient-il. L’échec des pourparlers risque aussi de « renforcer la conviction de la coalition que seules des pertes sur le terrain pousseront les Houthis au compromis », souligne Graham Griffith, analyste pour le cabinet de conseil Control Risks, basé aux Émirats arabes unis.
L’ONU pas en capacité de médiation
Si elles avaient eu lieu, les discussions de Genève auraient été les premières entre le gouvernement yéménite et les Houthis depuis celles qui avaient duré plusieurs mois au Koweït en 2016. Celles-ci avaient buté sur le retrait des rebelles de villes clés, comme Sanaa, et le partage du pouvoir. La délégation des Houthis avait ensuite été bloquée trois mois à Oman en raison du blocus aérien imposé par Ryad au Yémen. Ce précédent a suscité les craintes des rebelles ces derniers jours. Jeudi, les Houthis avaient exigé leur transport dans un avion omanais, le transfèrement de blessés vers Mascate et la garantie de pouvoir rentrer à Sanaa.
« Le manque de confiance » et « le déséquilibre des forces sur le terrain » mettent à mal toute tentative de règlement politique, estime Aleksandar Mitreski. Signe du fossé séparant le gouvernement et les rebelles, aucun face-à-face n’était de toute manière prévu à Genève. Troisième envoyé spécial de l’ONU sur le Yémen depuis le début du conflit en 2014, Martin Griffiths s’est montré extrêmement prudent pour la suite. « Il est trop tôt pour dire quand se tiendront les prochaines consultations », a-t-il déclaré, alors que la délégation gouvernementale lui reprochait de ne pas avoir fait suffisamment « pression » sur les Houthis.
Pour Aleksandar Mitreski, « l’ONU n’a malheureusement pas la capacité d’être le médiateur » dans ce conflit qui a fait quelque 10 000 morts, en majorité des civils.
LQ/AFP