Emmanuel Macron a décidé mercredi d’imposer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, archipel français au Pacifique secoué par de violentes émeutes qui ont fait quatre morts, dont un gendarme, et ont été provoquées par un projet de réforme constitutionnelle rejeté par les indépendantistes.
« Toutes les violences sont intolérables et feront l’objet d’une réponse implacable pour assurer le retour de l’ordre républicain », a indiqué la présidence française dans un communiqué annonçant l’instauration de ce régime d’exception qui étend les pouvoirs des autorités. Le décret sur l’état d’urgence doit être formellement pris lors d’un Conseil des ministres à 16 h 30 à Paris.
Le président a également rappelé « la nécessité d’une reprise du dialogue politique » en Nouvelle-Calédonie, territoire colonisé par la France au XIXe.
Depuis les premières altercations dans la journée de lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle, deux violentes nuits d’émeutes ont secoué l’île.
Selon le dernier bilan communiqué par l’Élysée, elles ont fait trois morts. Un gendarme de 22 ans touché à la tête par un tir est également mort des suites de ses blessures, selon de sources proches du dossier.
Plusieurs centaines d’autres personnes ont été blessées dont une centaine de policiers et gendarmes, selon le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. « On est dans une situation que je qualifierais d’insurrectionnelle », a déclaré le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc.
Malgré le couvre-feu mis en place à Nouméa, principale ville du territoire, les violences ont repris mardi soir dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et d’échanges de tirs, y compris contre les forces de l’ordre. L’aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi.
Deux personnes ont par ailleurs été blessées par balles à Ducos, dans le nord-ouest de Nouméa « par un garagiste qui protégeait son entreprise », selon un ministre du gouvernement local.
« Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés », a insisté M. Le Franc, évoquant « une spirale mortelle ».
Rencontré par l’AFP, Sébastien, un habitant de 42 ans qui ne donne pas son nom, a dit mener la garde pour « protéger la ville ». « Les flics sont débordés alors on essaye de se protéger et dès que ça chauffe, nous prévenons les flics (…). On essaye de faire en sorte que chaque quartier ait sa milice ».
« Appel au calme »
Point de crispation de la colère des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral a été adopté par les députés à Paris dans la nuit de mardi à mercredi. Il doit encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès.
Ce texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».
Dans une déclaration commune, les principaux partis indépendantistes et loyalistes de Nouvelle-Calédonie ont toutefois lancé mercredi un appel « au calme et à la raison ».
« Malgré la situation insurrectionnelle que nous traversons depuis quarante-huit heures et parce que nous sommes appelés à poursuivre le vivre-ensemble, nous appelons solennellement l’ensemble de la population au calme et à la raison », écrivent ces partis.
Le Premier ministre Gabriel Attal a indiqué en début d’après-midi à Paris qu’il allait proposer « dans les prochaines heures » une date de rencontre à Paris aux différentes parties prenantes de Nouvelle-Calédonie.
Mercredi matin, faute d’approvisionnement des commerces, les pénuries alimentaires ont provoqué de très longues files d’attente devant les magasins.
Créé en 1955 pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), l’état d’urgence a déjà été instauré huit fois en France afin de répondre à des périls imminents (attentat, guerre) ou des catastrophes naturelles. Réclamée par de nombreuses voix à droite et à l’extrême droite, cette mesure permet notamment d’interdire déplacements ou manifestations.