L’état d’urgence sera levé ce mardi 28 mai au matin en Nouvelle-Calédonie, a annoncé la présidence française, mais l’aéroport international restera fermé jusqu’à dimanche en dépit d’une progressive retombée des tensions.
La levée des mesures d’exception, en vigueur depuis le 16 mai dans l’archipel français du Pacifique Sud, est programmée mardi 5 h à Nouméa.
Elle doit « permettre les réunions des différentes composantes du FLNKS (NDLR : principal mouvement indépendantiste) et les déplacements sur les barrages des élus ou responsables en mesure d’appeler à leur levée », a expliqué la présidence dans un communiqué.
L’aéroport international de Nouméa, fermé aux vols commerciaux depuis le 14 mai, le restera au moins jusqu’au dimanche 2 juin, a indiqué son opérateur, malgré une retombée des violences sur le terrain.
La route qui mène à l’aéroport demeure très dégradée par endroits et toujours jonchée de carcasses de véhicules, selon des sources locales.
Les évacuations, par centaines, de touristes bloqués s’effectuent depuis l’aérodrome de Magenta à Nouméa.
Après des Australiens et des Néo-Zélandais à partir de mardi, de premiers touristes français pris au piège ont pu quitter le territoire samedi à bord d’appareils militaires.
« Référendum »
C’est l’examen puis l’adoption à Paris d’une réforme prévoyant l’élargissement du corps électoral local pour les scrutins provinciaux qui a mis le feu aux poudres, déclenchant des émeutes qui ont jusque-là fait sept morts.
Les indépendantistes craignent que ce changement ne « minorise » le peuple autochtone kanak, qui représente plus de 41 % de la population locale, et réclament le retrait du texte.
Pour devenir effective, la réforme doit encore être approuvée par les deux Chambres du Parlement réunies en Congrès.
S’il a promis au cours d’une visite éclair jeudi à Nouméa que cette réforme ne passerait pas « en force », le président Emmanuel Macron a évoqué la possibilité de convoquer « un référendum », dans un entretien accordé au quotidien français Le Parisien.
Dimanche à Berlin, il a nuancé ses propos, assurant que l’éventualité d’une soumission du texte au vote des Français relevait d’une simple « lecture de la Constitution » et qu’il ne s’agissait « pas d’une intention ».
Le chef de l’État veut donner la priorité à un « accord global » entre élus calédoniens loyalistes et indépendantistes sur le « dégel » du corps électoral et l’avenir du territoire. Il a pour cela donné jusqu’à la fin du mois de juin aux deux camps.
Sur le terrain, la nuit de dimanche à lundi dans Nouméa et son agglomération a été relativement calme, même si des traces d’échauffourées étaient visibles dans le quartier de la Vallée-du-Tir, un bastion indépendantiste, a constaté une journaliste.
Ailleurs, de nombreux barrages ont été déblayés, d’autres sont toujours en place, mais désertés.
La présidence a annoncé l’envoi « dans les prochaines heures » de « 480 gendarmes mobiles », ce qui portera à quelque 3 500 le nombre d’effectifs de forces de l’ordre déployés en Nouvelle-Calédonie, notamment pour enlever les barrages qui émaillent le territoire.
Satisfaction pour les autorités locales, les routes d’accès au Médipôle, le centre hospitalier situé dans la banlieue de Nouméa, sont désormais sécurisées, ce qui devrait permettre une meilleure prise en charge des malades.
« Geste réflexe »
L’archipel n’avait plus connu de telles violences depuis 1984-1988, quand des affrontements entre partisans et opposants à l’indépendance avaient fait près de 80 morts et craindre la plongée de la Nouvelle-Calédonie dans la guerre civile.
Vendredi, le bilan des émeutes a grimpé à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans tué par un policier. Ce dernier, qui n’était pas en service, a été mis en examen dimanche pour coups mortels aggravés par l’usage d’une arme et placé sous contrôle judiciaire.
Il a reconnu lors de sa garde à vue « avoir tiré un seul coup de feu, dans un geste réflexe pour se défendre », dans un « contexte de forte hostilité » à son endroit et envers un collègue alors qu’ils se dirigeaient vers le Médipôle et que leur véhicule a été caillassé par un « groupe de 40 à 50 personnes », selon le parquet de Nouméa.
La Nouvelle-Calédonie est un ensemble d’îles françaises depuis le XIXe siècle. Son économie repose essentiellement sur le nickel dont elle concentre 20 à 30 % des réserves mondiales.
De quoi faire craindre des « ingérences » de la Chine, selon le sénateur français Claude Malhuret, qui a souligné que Pékin avait « besoin de nickel pour produire ses batteries ».
Le secteur, qui emploie directement ou indirectement 20 à 25 % des salariés calédoniens, est gravement mis à mal par les émeutes.