Les tensions persistent en Chine où de nouveaux affrontements ont opposé manifestants et forces de l’ordre dans la nuit de mardi à mercredi malgré l’appel à la « répression » lancé par les autorités pour contenir le mouvement national de colère contre les restrictions sanitaires et pour plus de libertés.
Les autorités du pays sont confrontées au mouvement de contestation le plus étendu depuis les mobilisations pro-démocratie de la place Tiananmen en 1989, réprimées dans le sang.
Dans ce contexte, Charles Michel, le président du Conseil européen – l’institution représentant les États membres de l’Union européenne -, est attendu mercredi à Pékin où il rencontrera jeudi le président Xi Jinping, le Premier ministre Li Keqiang et le président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire (ANP), Wu Bangguo.
Mardi, la Commission des affaires politiques et juridiques du Parti communiste chinois, qui supervise les forces de l’ordre, a estimé qu’il faut « réprimer résolument, conformément à la loi, les actions criminelles visant à briser l’ordre social et protéger avec détermination la stabilité sociale ».
La contestation survient après bientôt trois années de dures restrictions sanitaires contre le Covid et sur fond de frustrations de la population vis-à-vis du système politique chinois, un mois après la reconduction de Xi Jinping pour un troisième mandat inédit à la tête du pays.
À Pékin, Shanghai, mais aussi Wuhan, Canton et d’autres villes du pays, les manifestations ont éclaté ce week-end, prenant au dépourvu le puissant système sécuritaire chinois qui a depuis resserré la vis pour empêcher tout nouveau rassemblement.
Arrestations
Pourtant, de nouveaux heurts ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi entre manifestants et policiers à Canton (Sud), selon des témoins et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et vérifiées par l’AFP.
Les images montrent des policiers vêtus de combinaisons intégrales blanches et équipés de boucliers anti-émeutes transparents, avançant en rangs serrés dans une rue du district de Haizhu, alors que des objets en verre sont projetés tout autour d’eux.
广州海珠区后滘 约29日晚上11点左右 发生群体事件
目前具体原因不详。 pic.twitter.com/A9m0gKoVge— 李老师不是你老师 (@whyyoutouzhele) November 29, 2022
Sur les vidéos, géolocalisées par l’AFP, des cris sont entendus tandis que des barricades orange et bleues sont renversées par terre.
Des personnes sont aussi aperçues en train de lancer des objets sur la police puis, sur un autre extrait, une douzaine d’individus, les mains liées, semblent être arrêtés par les forces de l’ordre.
Violents affrontements entre policiers & riverains à #Haizhu. C’est le district de Canton (sud-est de la Chine), le + marqué par les contaminations Covid. C’est aussi la partie de la ville qui a le plus souffert des restrictions sanitaires. https://t.co/KCWuvCVaIw
— Stéphane Lagarde (@StephaneLagarde) November 25, 2022
Un habitant de Canton, qui a seulement donné son nom de famille – Chen -, a raconté avoir vu une centaine d’agents de police converger vers le village de Houjiao, qui fait partie du district de Haizhu, et arrêter au moins trois hommes mardi soir.
Le district de Haizhu à Canton, où vivent plus d’1,8 million de personnes, est l’épicentre d’un nouveau foyer de cas de Covid-19 et placé en confinement depuis fin octobre.
L’élément déclencheur de ces mobilisations à travers le pays a été l’incendie d’un immeuble d’habitation à Urumqi, capitale de la région du Xinjiang (Nord-Ouest), qui a fait 10 morts.
Des internautes ont accusé les restrictions sanitaires en vigueur dans la ville d’avoir empêché l’arrivée rapide des secours, un argument balayé par les autorités.
Mais les manifestations ont vite pris une tournure politique, certains demandant le départ de Xi Jinping.
« Donnez-moi la liberté »
Une forte présence policière à Pékin et Shanghai a découragé toute tentative de manifestation dans ces deux villes. Mais d’autres rassemblements ont pu avoir lieu, lundi et mardi.
Au sein de la plus ancienne université de Hong Kong, plus d’une dizaine de personnes ont entraîné la foule à chanter des slogans comme « donnez-moi la liberté, ou donnez-moi la mort ».
« Nous ne sommes pas des forces étrangères, nous sommes des citoyens chinois. La Chine devrait permettre des voix différentes », a lancé une manifestante.
À Hangzhou, à 170 kilomètres au sud-ouest de Shanghai, de petites manifestations ont éclaté lundi soir, malgré le dispositif policier.
Le contrôle strict des autorités sur l’information et les restrictions sanitaires sur les voyages à l’intérieur de la Chine compliquent l’évaluation du nombre total des manifestants à travers le pays.
Mais un soulèvement aussi étendu est rarissime en Chine, compte tenu de la répression contre toute forme d’opposition au gouvernement.
Si Pékin maintient pour l’instant sa stricte politique face au Covid, quelques gestes d’assouplissement sont apparus ces derniers jours, tandis que les autorités ont promis d’accélérer la vaccination des personnes âgées.
Le taux insuffisant de vaccination en Chine, particulièrement chez les plus âgés, est l’un des arguments mis en avant par le gouvernement pour défendre ses mesures. Y remédier pourrait offrir à la Chine une porte de sortie au « zéro Covid ».