Le président brésilien Michel Temer tentait jeudi de s’accrocher à son mandat malgré les nouvelles accusations de corruption qui aggravent la crise politique et économique, faisant aussi plonger les marchés.
Plusieurs perquisitions ont été lancées dès les premières heures de la journée à Brasilia, Rio de Janeiro et Belo Horizonte, après des révélations d’O Globo, publiées la veille sur le site du quotidien, qui ont fait l’effet d’une bombe. De nombreux partis d’opposition ont aussitôt demandé la démission du président conservateur et des dizaines de manifestants défilaient dans la rue aux cris de « Temer dehors ».
Selon le journal, le président a été enregistré par un chef d’entreprise en train de donner son accord pour le versement de pots-de-vin pour acheter le silence d’Eduardo Cunha, ancien patron de la chambre des députés, aujourd’hui en prison pour son implication dans le méga-scandale de corruption Petrobras. Signe de vive inquiétude, la séance de bourse a été suspendue après une chute de plus de 10% du principal indice brésilien et de quasiment 6% du Réal à l’ouverture. Anticipant ce mouvement de panique des investisseurs, la Banque centrale du Brésil avait publié dès jeudi matin un communiqué dans laquelle elle assure « suivre de près la situation et agir pour maintenir le bon fonctionnement des marchés ».
La grave crise politique que traverse le pays est envenimée par une récession historique, que le gouvernement actuel tente de résorber par le biais de mesures d’austérité impopulaires, notamment la réforme du système des retraites dont l’approbation par le Parlement risque fort d’être freinée par ce nouveau scandale.
Cunha, le « Frank Underwood » brésilien
Touchée de plein fouet par la crise et un taux de chômage supérieur à 14%, la population est exaspérée par les scandales à répétition, qui éclaboussent l’ensemble de la classe politique, y compris plusieurs ministres du gouvernement Temer. Les perquisitions policières jeudi matin ciblaient plusieurs propriétés du sénateur Aécio Neves (centre-droit), candidat malheureux de la dernière élection présidentielle, lui aussi ciblé par un enregistrement compromettant cité par O Globo. Selon les médias brésiliens, son mandat de sénateur a été suspendu par la Cour Suprême et le procureur général a demandé son arrestation. Sa sœur a déjà été interpellée à Belo Horizonte, d’après le site d’informations G1.
En 2014, Aécio Neves a perdu d’une courte marge au second tour de l’élection présidentielle face à Dilma Rousseff réélue pour un second mandat avant d’être destituée en août 2016, pour maquillage des comptes publics. Elle a été remplacée, jusqu’à la fin du mandat fin 2018, par Michel Temer, qui était son vice-président, et que les militants de gauche accusent d’avoir orchestré un « coup d’État », notamment avec Eduardo Cunha, pour prendre le pouvoir. C’est justement l’ancien chef des députés, parfois comparé à Frank Underwood, héros manipulateur de la série américaine House of Cards, qui risque de le précipiter indirectement dans sa chute.
Enregistrement secret
O Globo révèle que Michel Temer a rencontré le 7 mars Joesley Batista, un des propriétaires du groupe J&F, qui contrôle notamment le géant de la viande JBS. Batista s’est enregistré secrètement alors qu’il expliquait au chef de l’État qu’il versait des sommes d’argent à Eduardo Cunha pour acheter son silence. « Tu dois maintenir ça (les pots-de-vin) », a alors répondu le président Temer, sans savoir qu’il était en train d’être piégé par l’enregistrement de son interlocuteur. Le journal révèle que Joesley Batista a aussi remis aux autorités un autre enregistrement dans lequel Neves aurait demandé 2 millions de réais (environ 570 000 euros) de pots-de-vins.
Le journaliste qui a obtenu le scoop, Lauro Jardim, a expliqué à la radio CBN qu’il n’avait pas entendu personnellement les enregistrements, mais qu’il avait eu accès à « une description la plus détaillée possible ». Selon lui, ils ont été présentés aux autorités dans le cadre d’un accord avec la justice en échange d’une remise de peine.
L’entreprise JBS avait déjà défrayé la chronique en mars, pour son implication dans un scandale de viande avariée. Premier exportateur mondial de viande, le Brésil avait alors dû faire face à un embargo total ou partiel de la part d’une vingtaine de pays, avec de dures négociations à la clé pour obtenir la réouverture progressive des marchés.
Le Quotidien/AFP